Le Druidisme
à Apollon, notamment à propos de sa localisation
(peut-être est-ce l’une des enceintes d’Amesbury dans la plaine de Salisbury),
il semble bien que le temple magnifique soit le monument de Stonehenge, dont le
rapport avec le lever du soleil au solstice d’été est incontestable. Mais le
problème, c’est que Stonehenge n’est pas celtique :
construit à l’époque mégalithique, probablement vers – 2000, il a été ensuite
aménagé à deux autres époques de l’Âge du Bronze. Cependant, il apparaît
souvent dans la tradition celtique, ne serait-ce que par la légende qui fait de
ce monument l’œuvre magique de Merlin [51] , et
les récits arthuriens qui placent la dernière bataille d’Arthur dans ses environs
immédiats. Cela pose incontestablement le problème de l’assimilation par les
Celtes, donc par les druides, d’une tradition culturelle antérieure à leur
arrivée. D’ailleurs la période du triomphe du culte solaire doit être cherchée
non pas à l’intérieur de l’Âge du Fer celtique, mais à l’intérieur de l’Âge du
Bronze nordique [52] . Quant
à la descente d’Apollon à Stonehenge tous les dix-neuf ans, elle peut conduire
à de nombreuses spéculations : c’est en effet un cycle au bout duquel on
arrive à faire coïncider le calendrier lunaire avec le calendrier solaire.
C’est aussi le cycle qui a été adopté, sous le nom de cycle de Denys le Petit,
par la Papauté, au VII e siècle, pour
déterminer la datation de la fête mobile de Pâques. Mais c’est précisément ce
cycle de dix-neuf ans que refusaient avec obstination les chrétientés celtiques [53] . On ne
peut pas dire que tout cela soit très clair.
En tout état de cause, c’est à l’intérieur du cadre celtique
qu’il faut rechercher l’origine du druidisme, puisque, nous l’avons vu, le
druidisme ne peut exister que dans les structures d’une société celtique, ce
qui condamne à l’avance toute hypothèse concernant un vague pré-druidisme
autochtone que les Celtes auraient trouvé chez les peuples qu’ils soumettaient
et qu’ils auraient ensuite modifié et amélioré selon leurs propres conceptions.
Il ne s’agit pas pour autant de rejeter toute influence ou toute participation
de ces populations autochtones dans la constitution du druidisme : il
s’agit simplement de prétendre que le druidisme a pris corps dans une société
structurée par les Celtes mais qui ne comprenait pas que des Celtes, loin de
là. C’est donc en Europe occidentale qu’il faut rechercher l’origine du
druidisme, puisque seule l’Europe occidentale a reçu la marque indélébile de la
civilisation celtique, preuve que celle-ci s’y est implantée très tôt dans
l’histoire.
Là encore, il faut faire appel au témoignage de César, qui
est le plus ancien : parlant des druides, il affirme que « leur doctrine
a été élaborée en Bretagne, et de là, pense-t-on, apportée en Gaule » (VI,
13). Il ajoute d’ailleurs qu’à son époque, c’est toujours dans l’île de
Bretagne qu’il faut aller si l’on veut se perfectionner dans cette doctrine.
Cela ne prouve pas que le druidisme était originaire de Grande-Bretagne, mais
simplement que l’école druidique la plus renommée ou la plus compétente s’y
trouvait. Mais cela constitue une indication qui est corroborée par de
nombreuses sources irlandaises. Car les Gaëls d’Irlande, chez qui le druidisme
s’est, semble-t-il, non seulement le plus développé, mais aussi le mieux
maintenu, n’ont jamais prétendu que la doctrine et l’institution druidiques
étaient indigènes. Bien au contraire : quand un druide, ou un jeune homme,
veut compléter ses études, il s’en va en Grande-Bretagne, soit en Écosse, soit
en Angleterre proprement dite, ou au Pays de Galles. C’est le cas pour le héros
ulate Cûchulainn, qui retrouve d’ailleurs en Écosse certains de ses compagnons.
C’est le cas des enfants de Calatin, sur l’instigation de la reine Medbh et
pour venger leur père sur Cûchulainn : ils vont s’instruire en Alba (terme désignant indistinctement l’Écosse ou
toute la Grande-Bretagne) et y apprennent « les enseignements magiques et
diaboliques » ; puis ils recherchent « tous les druides du
monde, recevant leurs enseignements, jusqu’à ce qu’ils eussent atteint les
régions surpeuplées de l’enfer » ( Ogam ,
XIII, p. 509). Compte tenu du parti pris du transcripteur chrétien qui
veut assimiler
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