Le Druidisme
peut attribuer des qualités. » « Beaucoup de ces
divinités ne sont souvent que des noms auxquels nous attribuons des qualités
d’une manière assez arbitraire, en partant de comparaisons effectuées par les
Latins avec leurs propres dieux, ou par assimilations hypothétiques » [59] . On ne
peut pas ne pas penser à ces héros des récits épiques irlandais qui prononcent
souvent la fameuse formule : « Par le Dieu que jure ma
tribu ! » Les noms de ces dieux divergent également d’un pays à un
autre, et même si l’on y discerne une certaine constante, ils ne sont pas
forcément fiables. « Le groupe linguistique auquel on croit pouvoir
rattacher le nom d’un dieu n’est pas une preuve que la divinité recouverte par
ce nom appartienne au vieux panthéon du peuple parlant la dite langue. Il en
est ainsi pour tous les Apollon de l’époque gallo-romaine dont le nom est
accolé ou substitué à des noms qui ne sont pas toujours celtiques, recouvrant
d’anciennes divinités indigènes » [60] .
Mais, comme toujours en pareil cas, on est bien obligé de recourir
au témoignage de César, parce que le plus ancien et le plus précis. « Le
dieu qu’ils honorent le plus est Mercure : ses statues sont les plus
nombreuses, ils le considèrent comme l’inventeur de tous les arts, il est pour
eux le dieu qui indique la route à suivre, qui guide le voyageur, il est celui
qui est le plus capable de faire gagner de l’argent et de protéger le commerce.
Après lui, ils adorent Apollon, Mars, Jupiter et Minerve. Ils se font de ces
dieux à peu près la même idée que les autres peuples : Apollon guérit les
maladies, Minerve enseigne les principes des ouvrages et des techniques,
Jupiter est le maître des dieux, Mars préside aux guerres » (César, I,
17). On remarquera la place privilégiée de Mercure et ses multiples fonctions,
puis la triade nettement secondaire représentée par Apollon-Mars-Jupiter, avec
une anomalie, puisque Jupiter, « maître des dieux », ne paraît pas
particulièrement mis en valeur, enfin le rôle « artisanal » de
Minerve. Mais quand César prétend que les Gaulois se font à peu près la même
idée de ces dieux que les autres peuples, c’est-à-dire essentiellement les
Romains et les Grecs, on peut se permettre d’être dubitatif : l’essai
d’interprétation de César lui-même prouve le contraire. Il est vrai que
« pour un Romain, l’univers s’arrête aux frontières des possessions de son
pays. En dehors de cet univers, il n’existe que des peuples ignorants qu’il
importe d’exploiter au mieux. Ces peuples ont des conceptions religieuses
primitives, aussi César n’hésite-t-il pas, dans son orgueil et sa mentalité de
seul civilisé, à prendre comme référence les dieux romains pour décrire la
religion gauloise. Il ne serait pas objectif de croire que les Gaulois avaient
des croyances semblables à celles des Romains » [61] .
C’est dire qu’il ne faut pas prendre cette tentative d’interprétation de César
à la lettre. Il n’en reste pas moins que César a cité un grand dieu (qui n’est
pas Jupiter), trois autres dieux de moindre envergure mais cependant très
vénérés, et une déesse. C’est déjà l’ébauche d’une hiérarchie divine.
Et cette hiérarchie est d’essence indo-européenne.
« César, ami de certains druides, avait défini excellemment… les cinq
dieux principaux des Gaulois ; il les avait définis par des critères sociaux , il les avait distribués – patrons
et non symboles – à travers les grandes activités de la vie sociale : le
premier, assimilé à Mercure, est l’inventeur des arts, le maître des chemins et
le régent du commerce et des gains ; un autre, un Jupiter, a la
souveraineté céleste ; un Mars préside à la guerre ; un Apollon
chasse les maladies ; une Minerve enfin est l’institutrice des métiers.
Cela correspond à la théorie générale du monde, qu’on retrouve dans l’épopée
irlandaise » [62] . C’est
en effet l’épopée des anciens Irlandais qui peut permettre de comprendre et
d’expliquer le témoignage de César, principalement cette seconde Bataille de Mag Tured où l’état-major des Tuatha Dé
Danann constitue un répertoire à peu près complet du panthéon celtique.
Le Dieu au-dessus des dieux
Le Mercure gaulois dont parle César et dont il nous dit qu’à
son époque il y avait de nombreuses statues ( simulacra )
répandues dans toute la Gaule
Weitere Kostenlose Bücher