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Le Druidisme

Le Druidisme

Titel: Le Druidisme Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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peut faire.
Le roi de type celtique est un pivot indispensable de la société. Mais un pivot
ne se déplace pas, et si Nuada a été blessé dans la première bataille de Mag
Tured, perdant son bras, comme le Roi-Pêcheur sa virilité, ce ne peut être que symboliquement . Il ne s’agit pas d’une blessure
réelle, mais d’une atteinte beaucoup plus profonde à sa souveraineté. Car Nuada
revêt nettement l’aspect Mitra de la royauté.
    Reste le deuxième visage du Mars celtique. Cette fois, il
s’agit d’Ogmé, le champion des Tuatha Dé Danann. C’est un curieux personnage,
dont les traits hérakléens ne font aucun doute. Mais il n’est pas seulement
Héraklès. Il est aussi le dieu de l’éloquence, l’inventeur présumé de
l’écriture dite ogamique, celui qui lie ses auditeurs par sa parole aux accents
magiques.
    C’est un Grec du II e  siècle
de notre ère, le railleur et sceptique Lucien de Samosate [120] ,
qui nous a laissé le meilleur portrait antique de ce personnage, portrait qui a
été mis en images en 1514 par l’étrange Albert Dürer, dans un dessin du Kunstbuch . « Les Celtes, dans la langue de leur
pays, nomment Héraklès Ogmios , mais l’image
qu’ils donnent du dieu est tout à fait particulière. Pour eux, c’est un
vieillard sur la fin de sa vie, chauve sur le devant de la tête, le reste des
cheveux tout blancs, la peau rugueuse, comme brûlée par le soleil, au point
d’être noircie comme celle des vieux marins. On le prendrait davantage pour
Charon ou pour Japhet des demeures souterraines que pour Héraklès. Mais, tel
qu’il est, il a l’équipement d’Héraklès : il porte la dépouille du lion,
il tient une massue de la main droite, il a le carquois à l’épaule et un arc tendu
à la main gauche… Ce qu’il y a de plus extraordinaire dans ce portrait, c’est
que cet Héraklès vieillard attire à lui une foule considérable d’hommes, tous
attachés par les oreilles à l’aide de petites chaînes d’or ou d’ambre,
pareilles à de beaux colliers. Et, bien que ces hommes soient ainsi à peine
attachés, ils ne veulent point s’enfuir, alors qu’ils le pourraient facilement.
Au contraire, ils suivent leur conducteur, tous gais et joyeux, et ils semblent
le combler d’éloges… Ce qui me paraissait le plus insolite dans tout cela,
c’est que le peintre, ne sachant pas où suspendre le début des chaînes, puisque
la main droite tenait déjà la massue et la main gauche l’arc, avait perforé le
bout de la langue du dieu et faisait tirer par elle les hommes qui le suivaient
et vers lesquels il se retournait en souriant. »
    On conçoit l’embarras du narrateur devant une telle composition
graphique. Sa tendance à mépriser les barbares – il accuse le peintre de
n’avoir pas su où accrocher les chaînes – est quelque peu combattue par la
curiosité. Mais un Grec a une tout autre conception du monde et des cieux. Il
ne comprend pas. Heureusement, un Gaulois qui semble bien connaître la mentalité
grecque vient à son secours. « Nous autres, Celtes, nous n’identifions pas
l’éloquence comme vous, les Grecs, à Hermès, mais à Héraklès, car Héraklès est
beaucoup plus fort qu’Hermès. D’autre part, si on en a fait un vieillard, ne
t’en étonne point : c’est seulement dans la vieillesse que l’éloquence
atteint son plus haut point, si, du moins, vos poètes disent vrai… Ne t’étonne
donc pas de voir l’éloquence représentée sous forme humaine par un Héraklès âgé
qui conduit, de sa langue, les hommes enchaînés par les oreilles. Ce n’est pas
pour insulter le dieu qu’on a percé cette langue. Je me souviens avoir appris
chez vous certains vers comiques : les bavards ont tous le bout de la
langue percée. Enfin, nous pensons que c’est grâce à son éloquence parvenue à
un haut degré de maturité qu’Héraklès a accompli tous ses exploits, et que
c’est par la persuasion qu’il est venu à bout de presque tous les obstacles.
Ses flèches sont, à mon avis, les discours acérés, percutants, rapides, qui
blessent les âmes. Vous dites d’ailleurs vous-mêmes que les paroles ont des
ailes » [121] .
Voilà qui est net et précis. Cela permet de faire la part des choses et de
considérer les récits épiques d’origine celtique un peu différemment : il
s’agit en apparence de batailles sans merci où les héros s’entretuent, mais la
plupart du temps, ces batailles sont symboliques, témoignant

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