Le Druidisme
parfaitement à sa représentation plastique comme elle convient à la
description du Dagda muni de la massue ambiguë. D’une façon générale, il est
barbu et d’âge mûr, vêtu d’une tunique courte, de braies et d’un capuchon, à la
mode gauloise. Il tient un maillet parfois très haut, comme s’il s’agissait
d’un sceptre, et un vase assez pansu, et est parfois entouré de deux tonnelets
gaulois, ou accompagné d’un chien. Comme on a retrouvé à peu près deux cents
représentations de ce personnage, les variantes sont nombreuses : dans
certains cas, le maillet qu’il tient ressemble davantage à un tonneau qu’à un
marteau. De plus, il est souvent accompagné d’une corneille, ce qui n’est pas
sans faire songer à la déesse Morrigane-Bodbh, qui apparaît souvent sous
l’aspect de cet oiseau. Quoi qu’il en soit, ce maillet est intrigant. Est-ce un
symbole de mort ? On serait tenté de le croire, car divers usages et
traditions d’Europe occidentale se réfèrent à lui à propos de rites funéraires
et pré-funéraires. Ainsi, en Irlande, on met, encore aujourd’hui, un marteau
dans les cercueils, « pour frapper à la porte du Purgatoire ». Dans
certaines paroisses de Bretagne, notamment à Guénin (Morbihan), on connaissait
les « marteaux de la bonne mort » ; quand l’agonie de quelqu’un
était trop longue, la plus vieille femme du village allait chercher chez le prêtre
une pierre, une sorte de massue, ou un marteau, réservés à cet usage, et le
tenait au-dessus de la tête du mourant, en lui disant de se préparer à partir [152] . En
Grande-Bretagne, dans certaines régions, le même marteau, holy mawle , était pendu derrière la porte de
l’église, et on raconte qu’un fils dont le père avait atteint 70 ans avait le
droit de tuer celui-ci. C’était, en somme, une autre façon de « secouer le
cocotier ». Il faut bien croire que de tels usages étaient réellement
appliqués, surtout dans des sociétés qui ne pouvaient se permettre les
« bouches inutiles ». Tout cela est en tout cas conforme à l’image du
Dagda dont la massue peut tuer et ressusciter, maître du temps et aussi de
l’espace, protecteur de la communauté tribale en tant que Teutatès, pourvoyeur
de biens en tant que maître du chaudron, maître du feu en tant que Taranis,
père de tous et père céleste en tant que Jupiter, maître de la vie et de la
mort en tant que Dispater, ivre de nourriture, de boisson et de sexe comme
Gargantua, et néanmoins pourfendeur de monstres, comme le cavalier à
l’anguipède, maître des animaux, comme Ésus le Très Bon ou l’Homme des Bois,
boiteux parce que rapide, borgne parce que voyant et donc
druide-magicien-prophète, guerrier redoutable et « tape-dur » comme
Sucellos, harpiste, poète et philosophe, législateur garant des contrats, même
quand il en est la victime, maître des destinées en tant que dieu à la roue,
participant à toutes les fonctions et les transcendant, le meilleur de tous,
puisqu’en définitive tel est son nom de Dagda .
Le moins qu’on puisse dire, c’est que le Jupiter celtique est complexe.
La Déesse au triple visage
César est formel : dans sa nomenclature, en cinquième
position, il nomme la dernière divinité qui ait, selon lui, quelque importance
chez les Gaulois. Il s’agit de Minerve qui « enseigne les principes des
ouvrages et des techniques » (VI, 17). César emploie le mot opus , qui a le sens général de toute œuvre résultant
de l’activité humaine, et le mot artificium qui désigne la technique, le métier, la façon de procéder. Il ne faut donc pas
confiner cette Minerve gauloise dans un rôle purement matériel : il est
bien évident qu’elle patronne à la fois les artistes et les artisans , et aussi, on l’oublie un peu
trop, les guerriers , puisque la guerre est un
« art ». Cette Minerve, contrairement à ce qu’on pourrait penser,
n’est pas exclusive de la troisième fonction. Il est incontestable que, de la
façon dont elle est présentée, elle participe, comme le Jupiter-Dagda, aux
trois fonctions indo-européennes.
Nous ignorons son nom gaulois. Elle porte parfois le surnom
de Bélisama, la « Très Brillante », notamment à Saint-Lizier
(Ariège). Parfois, elle est medica , ce qui
indique son appartenance à la première fonction. Une des meilleures représentations
de cette Minerve gauloise, ou plutôt gallo-romaine, est la tête coiffée d’un
casque aux
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