Le Druidisme
la Tain Bô
Cualngé , elle vient s’offrir au héros Cûchulainn sous forme d’une femme,
puis elle revient l’exciter au combat sous forme d’une vache et surtout d’une
corneille ( bodbh ). Au moment des préparatifs
de la bataille de Mag Tured, elle s’unit au Dagda et lui prophétise l’arrivée
des Fomoré, ce qui ne l’empêche pas d’entrer dans l’action : « Elle
irait à Scene pour tuer le roi des Fomoré… Elle lui enlèverait le sang de son
cœur et les rognons de sa valeur. Elle montra ensuite ses deux mains remplies
de ce sang aux troupes… » [162] . Au
cours de l’action, la Morrigane « encourageait les Tuatha Dé Danann à
livrer la bataille avec ardeur et énergie » [163] .
Et elle excite les combattants par un chant. À la fin, c’est elle qui annonce
la victoire à toute l’Irlande, et elle conclut en prophétisant sur le monde à
venir. Mais là, elle est nettement assimilée à Bodbh [164] ,
tandis qu’une seconde version du récit la place dans une triade
caractéristique : « Les trois druidesses, Bodbh, Macha et Morrigane,
dirent qu’elles seraient cause d’averses de grêle et nuages de poison venant
sur eux, si bien qu’elles les rendraient faibles et confus, et qu’elles les
priveraient de leur intelligence et de leur bon sens dans la bataille » [165] . Il
s’agit bel et bien de magie guerrière.
Le mot bodbh signifie
« corneille », et c’est souvent sous l’aspect de cet oiseau que la
Morrigane apparaît, en particulier sur les champs de bataille. Le mot est
d’ailleurs ambigu, puisqu’il veut aussi dire « victoire », comme dans
le nom de la reine bretonne Boudicca (= victorieuse). Quant à Macha, il s’agit
de cette divinité qui cause la fameuse maladie des Ulates (analogue à la
couvade) par la malédiction qu’elle lance sur eux parce que le roi l’a obligée,
alors qu’elle était enceinte et prête à accoucher, de faire une course avec ses
chevaux [166] .
Cette Macha a quelque chose à voir avec les chevaux, et on peut la considérer
comme une déesse cavalière, ou même une déesse jument, comme Rhiannon,
l’héroïne de la première et troisième branche du Mabinogi [167] . Le
nom de Rhiannon ( Rigantona ) peut signifier
« Grande Reine ». La déesse gauloise, ou plutôt gallo-romaine, Épona,
très souvent représentée dans la statuaire comme une cavalière accompagnée d’un
poulain, voire d’une simple jument avec son poulain, semble de même nature ou
de même origine que Rhiannon et Macha, mais il est possible qu’elle ne soit pas
celtique.
La triade Bodbh-Macha-Morrigane est en fait la représentation
d’une unique déesse sous trois aspects différents. Il en est de même pour la
triple Brigit. Et dans la statuaire gallo-romaine, nombreuses sont les
représentations de trois personnages maternels, les Matrae ou les Matronae . Souvent, ces groupes de
déesses-mères portent des surnoms qui en font les protectrices d’un groupe
social bien déterminé, d’une ville ou d’une cité. N’oublions pas non plus que
l’Irlande est parfois incarnée par une triade de personnages féminins comme
Ériu, Banba et Fotla. Le nombre trois, qui est symboliquement le chiffre de
l’éternité, de la totalité, a particulièrement eu la faveur des Celtes. Les
anciennes traditions mythico-historiques du Pays de Galles se présentent sous
forme de triades (Triades de l’Île de Bretagne) constituées par des groupements
de trois personnages caractéristiques d’une fonction, de trois événements
marquants, ou de trois principes. Il faut aussi penser au triskell, ou
triscèle, ornement symbolique qui n’est pas d’origine celtique, mais qui est
devenu en quelque sorte l’emblème de la civilisation celtique, étant donné sa
fréquence dans les arts plastiques gaulois, mais surtout irlandais.
Cela n’empêche pas certaines figurations divines féminines
d’être accompagnées, dans la statuaire gallo-romaine, par des divinités
masculines, ou bien de les accompagner. C’est l’indication d’une
complémentarité de fonction, et nous retrouvons le même procédé dans la
tradition irlandaise.
Ainsi, bien que Brigit soit en quelque sorte une déesse de
la médecine, il existe un dieu de la médecine, qui est Diancecht. De même, bien
qu’elle soit la déesse des techniques, il y a, dans l’état-major des Tuatha Dé
Danann, un maître-artisan qui est Credné, et surtout un maître-forgeron qui est
Goibniu. Ce
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