Le Druidisme
problème.
Ainsi n’avons-nous pas parlé de Cernunnos. C’est pourtant
une divinité bien connue grâce au Chaudron de Gundestrup et à plusieurs
monuments gallo-romains. C’est le « dieu cornu », le « dieu aux
bois de cerf ». Le Chaudron de Gundestrup nous le présente assis dans une
attitude de Bouddha. Il tient un torques d’une main, et un serpent à tête de
bélier de l’autre. Sa tête est surmontée de gigantesques bois de cerf, et il
est entouré de quatre animaux. Sur l’Autel des Nautes, à Paris, il a également
les jambes repliées. Sur un monument découvert à Reims, il déverse un sac plein
de monnaies en présence d’un cerf et d’un taureau. À Nuits-Saint-Georges (Côte
d’Or), il est tricéphale et tient une bourse sur les genoux. Il a des bois de
cerf bien nets, et il est accompagné de deux déesses portant chacune une corne
d’abondance. Au-dessous, on peut voir un arbre, un taureau, un chien, un
lièvre, un sanglier et un cerf. Ce qui est étrange dans cette figuration, c’est
le personnage du milieu : de toute évidence, c’est une femme au torse nu,
dont les seins sont apparents ; sur sa tête, elle porte une tour, et elle
a un sexe mâle. Elle est donc androgyne. Que vient-elle faire à côté de
Cernunnos, et quelle est la signification exacte de ce dieu ? Il semble
avoir pour caractéristiques la pose bouddhique, la tricéphalie et un symbole
d’abondance. La tricéphalie indique, par le symbolisme du ternaire, l’éternité
et la totalité, ce qui est renforcé, dans le cas du monument de
Nuits-Saint-Georges, par la présence de l’androgyne, à vrai dire plus féminin
que masculin. Cernunnos serait-il une divinité de l’abondance ?
Assurément, il appartient à la troisième fonction. Mais est-il vraiment
celte ? Est-il de tradition indo-européenne ? On peut en douter.
Il n’a pas de correspondant chez les Tuatha Dé Danann. Par
contre, le cycle de Leinster, dit cycle ossianique, nous offre des personnages
qui peuvent lui être comparés. Finn, le roi des Fiana ,
s’appelle, de son vrai nom, Demné, c’est-à-dire le « Daim ». Avec une
femme qui vit une moitié de l’année sous forme de biche, Sadv, il a un fils du
nom d’Oisin, c’est-à-dire le « Faon ». Et son petit-fils se nomme
Oscar, autrement dit « qui aime les cerfs ». À titre de comparaison,
il faut savoir que Cernunnos (prononcer Kernunnos) veut probablement dire
« qui a le sommet du crâne d’un cerf ». La troupe des Fiana,
rappelons-le, est une sorte de chevalerie itinérante dont les activités
consistent à faire la guerre pour le compte d’un roi, et à chasser. On a pris
prétexte du fait que les textes concernant Finn et les Fiana sont relativement récents pour dénier à ces
récits toute valeur de document concernant la mythologie celtique. Les
aventures des Fiana seraient des adaptations
des récits concernant l’Ulster. Cela n’est pas du tout prouvé. Il y a dans le
cycle de Leinster des archaïsmes et des situations qui n’ont rien à voir avec
l’épopée de Cûchulainn, de Conchobar et des Ulates, et il semblerait au
contraire que le schéma primitif du cycle, constamment remanié et rajeuni dans
son expression, plongerait ses racines dans un passé pré-celtique.
On peut en effet diviser le légendaire celtique (Irlande et
Bretagne confondues) en trois catégories marquées chacune par une activité
essentielle. La première de ces catégories est essentiellement représentée par
le cycle d’Ulster : les protagonistes font partie d’une société d’éleveurs
de bovins. Toutes les épopées tournent autour d’impitoyables razzias de vaches
et de taureaux, et l’animal domestique utilisé pour garder les troupeaux paraît
être le chien, car de nombreux héros ont le mot chien dans leur nom, tels
Cûchulainn, Cûroi, Conchobar ou Conall. La deuxième catégorie contient en
particulier le Mabinogi gallois (surtout la
première et la quatrième branches) et le cycle arthurien : les
protagonistes appartiennent à une société qui chasse le sanglier et élève les
porcs. Le mythe le plus significatif en est certainement celui de la chasse au
sanglier Twrch Trwyth [174] .
Cette société représente une évolution par rapport à la précédente, et ouvre la
voie à l’agriculture : elle est donc moins ancienne, ou plus localisée en
Grande-Bretagne, celle-ci commençant à se détacher des normes pastorales
primitives. La troisième
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