Le Druidisme
oiseaux
endormaient les vivants et réveillaient les morts [181] .
Et puis, bien sûr, il y a cette Épona gallo-romaine dont le nom prouve la
parenté avec le cheval. Le problème est que le mot Épona semble une transcription brittonique (avec remplacement du Kw en P ) d’un terme
latin dérivé de equus , « cheval ».
Il est vrai que, traditionnellement, la plupart des rois irlandais, historiques
ou mythiques (même le Dagda, Éochaid Ollathir), portent le nom d’ Éochaid qui semble
provenir d’un ancien ekwo indo-européen :
ce serait donc un roi-cheval, ou un roi-cavalier [182] .
Néanmoins, cette Épona se rattache d’une façon ou d’une autre à un thème
chevalin, tout comme la galloise Rhiannon et l’irlandaise Macha [183] .
De toute façon, les rapports des divinités celtiques avec
les animaux sont constants, et il faudra y revenir à propos d’un possible
totémisme chez les Celtes, ainsi qu’à propos des probables composantes
chamaniques du druidisme. Mais, sur un plan strictement sociologique, cette
familiarité avec les animaux s’explique parce que les Celtes sont avant tout
des peuples chasseurs et éleveurs . Surtout en
Irlande, où il n’y a pas de dieu de la troisième
fonction spécialisé dans l’agriculture . Il ne semble d’ailleurs pas
qu’il y en ait en Gaule, à moins que Cernunnos ne remplisse cet office. Dans la
tradition galloise, le personnage d’Amaethon, fils de Dôn, et frère du forgeron
Govannon, peut être considéré comme une image de la divinité agraire. Mais on
ne sait à peu près rien sur lui, sinon que son nom signifie « laboureur »,
ce qui ne prouve pas grand-chose. On pourrait en dire autant du Mac Cecht
irlandais, le « Fils de la Charrue », qui constitue la seule allusion
à l’agriculture dans le panthéon des Tuatha Dé Danann. Cependant, le nom
d’Amaethon constitue une indication précieuse : il provient en effet d’un
même terme que le gaulois ambactos (César, VI,
15) qui signifie « serviteur ». Cela nous montre assez clairement que
l’agriculture était tenue pour une fonction subalterne, confiée non pas à des
citoyens, mais à des serviteurs, pour ne pas dire des esclaves. Il est même
possible de prétendre que les Celtes, élite guerrière, intellectuelle et
artisanale, ont abandonné les travaux des champs aux populations autochtones
qu’ils ont asservies en Europe occidentale. Cela expliquerait l’absence remarquable
d’un dieu agraire dans la mythologie celtique.
Mais il n’y a pas non plus de dieu
de la mer . Les représentations gallo-romaines de Neptune ne concernent
que le patronage des sources ou des rivières. Il n’y a aucune connotation avec
le domaine maritime. En Irlande, on trouve bien le nom de Nechtan , mais c’est la transposition gaélique de Neptunus . De plus, c’est l’un des surnoms d’Elcmar,
lui-même doublet noir du Dagda. Or, Elcmar-Nechtan est le maître, non pas de la
mer, mais de la source merveilleuse de Segais. Il semble que les Celtes,
particulièrement les Irlandais, aient ignoré la mer. Et, de fait, contrairement
aux idées reçues, tous les peuples celtes, sauf les
Vénètes , sont des terriens qui méprisent la mer ou qui la craignent. Il
faudra y revenir à propos d’hypothétiques héritages d’une civilisation
atlantique (pour ne pas dire atlantéenne).
La tradition irlandaise nous présente pourtant un dieu qui
prête à confusion. Il s’agit de Mananann mac Lir, qui se reconnaît dans la
tradition galloise sous le nom de Manawyddan ab Llyr. Lir ou Llyr a le
sens de « flots », « océan », mais le nom de
Mananann-Manawyddan est lié à celui de l’île de Man, signifiant proprement le
« mannois ». On a souvent dit que c’était le dieu éponyme de cette
île, actuellement encore très gaélique [184] , à
mi-chemin entre la Grande-Bretagne et l’Irlande, mais il semble au contraire
que ce soit l’île qui ait donné son nom au personnage. Il appartient à
l’état-major des Tuatha Dé Danann, et s’il ne participe pas à la bataille de
Mag Tured, il apparaît dans de nombreux récits irlandais comme un personnage
considérable. Il dit lui-même à Oengus Mac Oc : « Je suis le roi de
vos rois, l’aîné de vos armées, la lumière de vos bataillons et le prince de
vos champions » [185] . Il
se déclare également le fils adoptif du Dagda. Après la bataille de Tailtiu qui
vit la défaite des Tuatha Dé Danann devant les Gaëls, il devient le
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