Le Druidisme
même quand il est remplacé symboliquement
par un autre arbre, le gui, eau de chêne , est
l’essence même de la divinité. Le soin avec lequel on cueille le gui, et ce
qu’on en fait ensuite, cette sorte de « potion magique », cela
indique une recherche constante, de la part des druides, d’un contact avec les
puissances supérieures, contact qui se traduit par une assimilation, une
véritable digestion de ces puissances. Il s’agit bel et bien d’intégrer la
divinité dans l’humain, et en définitive d’incarner le dieu.
3) LES QUATRE ÉLÉMENTS
Comme tous les autres peuples, les Celtes ont spéculé sur la
valeur et l’identité des éléments traditionnels en tant qu’énergie manifestée.
La Terre, l’Air, l’Eau et le Feu ont été conçus comme des
« passages » grâce auxquels l’énergie se transforme et se régénère.
C’est ce qui ressort de certaines incantations, et plus particulièrement des
poèmes du barde gallois Taliesin, ou attribués à lui, dans lesquels apparaît le
thème des métamorphoses. « J’ai revêtu une multitude d’aspects avant
d’acquérir ma forme définitive », dit le poète [223] .
On a souvent interprété ces métamorphoses comme la preuve que les Celtes
croyaient aux réincarnations successives. Mais rien, absolument rien, en dehors
de quelques cas individuels bien définis, et nettement symboliques, ne vient
confirmer cette thèse. La métempsycose, quelles qu’en soient les nuances, est
totalement inconnue des Celtes. Les métamorphoses témoignent seulement de la
prise de conscience que l’être appartient à tous les règnes, donc à tous les
éléments, et qu’il n’est pas séparable du cosmos. Sans le Cosmos, l’être ne
s’explique pas, mais inversement, sans l’être, le Cosmos ne s’explique pas
davantage puisqu’il n’y a personne pour poser la question.
La Terre et l’Air
La Terre, en tant qu’élément primordial, ne semble pas avoir
eu une importance exceptionnelle dans la pensée druidique. Dans la mythologie
celtique, il n’y a pas, à proprement parler, de déesse-terre. Tailtiu, la mère
nourricière du dieu Lug, n’est pas une divinité tellurique comme la Déméter
grecque, et les déesses maternelles représentent bien davantage la communauté
humaine, l’Irlande en particulier, que le sol où cette communauté s’est
implantée. Le concept de déesse-terre appartient non pas aux Celtes, mais aux
populations mégalithiques qui les ont précédés. D’ailleurs, en gaélique, le mot talamh , « terre » (apparenté au latin tellus ), est du masculin. Cela se conçoit aisément
si l’on considère que toutes les sociétés celtiques sont pastorales au départ,
et non agraires. La société se déplace, donc peu importe la terre. Mais cela
n’empêche nullement des rituels de concerner les rapports de l’homme avec la
terre.
Il faut bien en effet que l’être humain vive sur la terre et
qu’il s’accorde avec elle par une sorte de contrat. Ce qui exprime le mieux
cette idée, c’est le rite de la Pierre de Fâl, cette pierre phallique , donc masculine, qui se trouvait à Tara,
et qui criait lorsqu’un roi, ou un futur roi, s’asseyait dessus. On en a un souvenir
évident dans le « Siège Périlleux » de la légende du Graal. La pierre
qui crie est alors le signe que la Terre accepte un individu comme roi,
c’est-à-dire comme intermédiaire privilégié entre elle et la société qui s’y
établit de façon temporaire, dans la mesure où tout royaume celtique dépend de
la capacité du roi et de l’étendue de son regard. C’est une notion assez
difficile à comprendre pour nous qui sommes habitués à une tout autre
conception de l’État-nation et qui sommes constamment confrontés à la
« patrie » et à la « terre des ancêtres ». Il n’y a pas de
lien direct entre la Terre et le peuple ou la tribu : le médiateur est le
roi, dont la légitimité doit être reconnue à la fois par le groupe social
(élection et approbation sacerdotale) et par la Terre dont il se fait
l’occupant contractuel. Il n’y a pas possession de la Terre, celle-ci restant
toujours universelle.
C’est pourquoi c’est dans les cérémonies funèbres que la
Terre apparaît comme élément primordial, en même temps qu’ultime. Il est
d’usage de laver le cadavre dans une rivière. Puis se déroule la cérémonie
elle-même. César parle d’incinération, mais nous savons que l’inhumation
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