Le Druidisme
nuit. Plus tard, pour reprendre Étaine au roi
Éochaid, Mider est obligé, magiquement, d’enlever toutes les pierres de Meath
et de construire une digue sur des marais.
Le deuxième élément, l’Air, est le domaine mystérieux et
fluctuant où seuls les êtres divins et féeriques peuvent se mouvoir. C’est
pourquoi les dieux, surtout les déesses, apparaissent souvent sous forme de
corneilles ou de cygnes. Précisément, les fameuses « druidesses » de
l’île de Sein, qui, selon Pomponius Méla, avaient le pouvoir de revêtir une
forme animale, étaient également réputées savoir « calmer les vents par
leurs incantations » (III, 6). Donc, les druides prétendent maîtriser les
vents et s’en servir pour des buts bien précis.
Les récits épiques parlent souvent de « vent
druidique ». Quand les Fils de Mile, ayant débarqué une première fois en Irlande,
s’en retournent sur leurs navires, pour se mettre à l’abri, les druides des
Tuatha Dé Danann « chantèrent des incantations derrière eux, si bien
qu’ils furent entraînés loin d’Irlande » [228] .
Quand Fuamnach, la première épouse de Mider, veut se débarrasser de la nouvelle
femme, Étaine, qu’elle a déjà transformée en flaque d’eau, puis en insecte,
elle fait « souffler un vent d’agression et de druidisme » [229] qui
emporte l’insecte au loin. Et il arrive aussi que le vent druidique sème la
confusion dans une troupe de guerriers, lesquels ne se reconnaissent plus et
s’entretuent. C’est le cas dans le récit du Siège de
Druim Damhgaire où la magie opératoire du druide Mog Ruith fait
merveille [230] .
D’ailleurs Mog Ruith l’explique lui-même : « Mon dieu m’a promis que
je les transformerai en pierres quand je les aurai à ma portée, si seulement je
parviens à souffler sur eux. Il leur envoya un souffle druidique, et il les
transforma en pierres » [231] .
Les Eaux
Le troisième élément, l’Eau, semble d’une importance considérable
dans les pratiques druidiques. Symboliquement, l’eau de la source est une sorte
de don des puissances invisibles qui règnent au cœur de la terre. L’eau est
fécondante. Les ruisseaux, les rivières, les fleuves ont le même caractère
sacré, parce que sans eux toute vie serait impossible. De nombreux sanctuaires
se trouvaient à la source des rivières, en particulier la Seine, où l’on a
retrouvé de nombreux ex-votos. Mais il y en avait bien d’autres, et toutes les
sources, toutes les fontaines devaient être des loci
consecrati . La Fontaine de Barenton en témoigne. Celle de la ville
antique de Glanum, à Saint-Rémy de Provence, qui porte la marque des Gaulois,
des Grecs et des Romains, également. Le nom de Glanum réfère à une racine
signifiant la « pureté » : c’était donc une source purifiante,
une source de santé, analogue à celle du dieu Diancecht.
Car l’eau est guérisseuse, non seulement quand elle contient
des plantes, comme dans la Fontaine de Santé, mais parce qu’elle lave, parce
qu’elle élimine les impuretés. Bien entendu, dans ce cas, le plan physique et
le plan spirituel ne sont pas séparés. L’eau qui purifie le corps purifie l’âme
et inversement. L’idée est largement répandue, et le baptême chrétien n’en est
qu’une des nombreuses illustrations. Les sources thermales, avant d’être
récupérées par la médecine profane, étaient censées, elles aussi, agir sur les
deux plans. Mais tout cela n’allait pas sans rites spécifiques, gestes,
ambulations et invocations. C’est ce que l’on retrouve dans tous les usages
populaires concernant les fontaines guérisseuses ou les eaux d’une rivière purifiante.
Et si nous n’avons retrouvé aucun rituel gaulois ou celtique ancien, nous
sommes en droit d’imaginer que les pratiques actuelles ne doivent pas être
tellement différentes de celles de nos lointains ancêtres.
D’ailleurs, si l’on s’interroge sur le chaudron de Brân Vendigeit
et sur la cuve où Peredur voit jeter des cadavres qui renaissent, on fait de
curieuses constatations. C’est en relation étroite avec le rite barbare décrit
par le scholiaste de Lucain à propos de Teutatès, à savoir plonger la tête d’un
homme dans un chaudron jusqu’à ce qu’il suffoque. N’est-ce pas là un rite de
l’eau ? Il y a des récits légendaires qui parlent de mort sacrificielle du
roi, celui-ci se noyant dans une cuve. On ne peut pas négliger de
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