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Le Fardeau de Lucifer

Le Fardeau de Lucifer

Titel: Le Fardeau de Lucifer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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de mon ami fidèle. Leur perte presque certaine me pesait lourd sur la conscience et me confirmait que ma seconde vie n’était qu’un long chemin de croix. J’en arrivais à me demander si cette folle aventure en valait vraiment la peine ou si je ne devrais pas tout simplement mettre fin à mes jours, ici et maintenant, pour que cesse le sacrifice de ceux que j’aimais. Je n’avais jamais vraiment quitté l’enfer ; je l’avais simplement emporté avec moi. Je ne pouvais que souffrir dans le silence et l’amertume.
    Je consacrai la moindre heure libre à chercher la piste du Cancellarius Maximus. Le Lucifer partira alors sans attendre pour Toulouse. Sous la parole divine, il trouvera une dalle portant le sceau, y déposera un mot annonçant son arrivée et attendra ses instructions. Telles étaient les directives données au Magister. Seul le Chancelier avait l’autorité de désigner le Lucifer. M’auto-proclamer tel était présomptueux, mais je devais le contacter coûte que coûte car, tant que la Vérité n’était pas complète, je ne pouvais assurer sa protection.
    À première vue, le sens de la parabole était évident. Elle faisait allusion à la parole divine. Les cathares ne célébraient pas la messe, mais jusqu’à ce que la folie guerrière gagne le Sud, chrétiens et hérétiques avaient cohabité en paix. Puis était venu l’épisode fanatique des Frères blancs de l’évêque Folquet de Marseille, qui avaient massacré les cathares qui jusque-là avaient été leurs voisins, comme Ravier me l’avait raconté dans la boutique de forge. Il existait donc forcément, à Toulouse comme dans la plupart des villes du Sud, des églises chrétiennes, où des prêtres avaient célébré la messe et prêché ce qu’ils concevaient comme la parole divine avant que la croisade ne frappe. Il me suffisait de les trouver et, avec un peu de chance, je pourrais ensuite prendre contact avec le mystérieux supérieur inconnu des Neuf.
    Dès que je le pus, je me mis à arpenter les rues. Je fus étonné de constater combien la cité était grande et sa population nombreuse. Il ne s’agissait pas d’une simple forteresse abritant quelques centaines de personnes, comme Cabaret, Quéribus ou Montségur, ni même d’un bourg. Ceci était une grande ville, avec ses marchands, ses artisans, ses édifices publics, ses places et ses fontaines. À vue de nez, elle devait abriter trois ou quatre dizaines de milliers d’habitants. Le chiffre était renversant.
    J’aboutis sur une place où se tenait un marché. Evidemment, le siège interdisait désormais tout commerce avec l’extérieur, mais pour le moment les produits étaient encore abondants et les Toulousains semblaient déterminés à prétendre que la vie suivait un cours à peu près normal. Devant les étals, marchands et acheteurs négociaient avec enthousiasme tout en sachant que le prix final fluctuerait peu. Je m’approchai avec une certaine circonspection, me rappelant les regards mauvais dont j’avais été l’objet à mon arrivée, mais la nouvelle de mon identité semblait s’être vite répandue, car je lus plutôt de l’admiration dans les yeux de ceux que je croisais. Je traversai le marché en jetant des coups d’œil polis aux étoffes, aux poteries, aux contenants de fer-blanc, aux fruits et légumes, aux vins et à toutes les autres marchandises auxquelles on tentait de m’intéresser. Comme je devais commencer mes recherches quelque part, je demandai à une marchande de paniers de m’indiquer l’église la plus importante de la ville.
    — Ça, ce serait Saint-Sernin. Elle se trouve au bout de cette rue, répondit-elle. Mais tu seras déçu.
    J’allais lui demander ce qu’elle voulait dire, mais un client se présenta et monopolisa toute son attention. Je la quittai donc et remontai la rue indiquée jusqu’à ce que j’aperçoive ce que je cherchais. Devant moi, à la convergence de plusieurs chemins, sur une place encore à moitié vide, s’élevait le squelette d’une église à demi construite. Seuls le chœur, le transept parsemé de petites chapelles et une partie de la nef étaient terminés. Le reste n’était encore qu’une ossature de colonnes et de voûtes plus ou moins abandonnées à divers stades d’avancement qui montaient tristement vers les cieux. Le chantier, qui aurait dû grouiller d’activité, était désert. La croisade en avait chassé les constructeurs, les maçons, les tailleurs de pierre,

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