Le Fardeau de Lucifer
conscient du ton sur lequel je m’adressais à Métatron, mais j’en avais plus qu’assez de ses petits jeux, archange ou pas.
Le corps de la vieille tressaillit et je sus que Métatron l’avait quitté. Elle recula en tanguant jusqu’au mur, glissa lentement et se retrouva assise. Sa tête tomba mollement sur son épaule. Je m’agenouillai près d’elle et surmontai ma répugnance pour tourner son visage vers moi.
— Grand-mère ?
Ses paupières frémirent et elle ouvrit les yeux.
— Tu vas bien ?
— J’ai. j’ai eu un malaise, monseigneur. Je suis si vieille. Dieu m’a oubliée, je crois. Tu es bien bon de te préoccuper de ma pauvre personne.
— Crois-moi, je n’ai pas toujours été aussi attentionné et j’en paie le prix. J’ai été trop longtemps. vide.
— Mais maintenant, tu crois en quelque chose, non ?
— J’ai besoin d’y croire, rétorquai-je.
Je détachai ma bourse de ma ceinture et la mis dans sa main sans rien dire. Elle la serra avec avidité contre sa poitrine creuse et m’adressa un sourire édenté.
— Va en paix, sire Gondemar, caqueta-t-elle.
Ebranlé, je pris la direction du châtelet pour m’informer de l’avancement des préparatifs. Tu ne fais que commencer et, déjà, tu te trompes de voie. Il ne te sert à rien de combattre ceux qui détestent la Vérité, m’avait prévenu l’archange. Mais en me rendant la vie, Dieu, dans sa perversité, avait choisi de me doter d’une conscience et il me revenait d’en faire usage. À lui de tolérer ou non les choix qu’il me permettait. Car ma décision était prise. J’avais été guidé vers le Sud et conduit à prendre fait et cause pour les cathares. Je ne l’avais pas demandé, mais c’était fait et je serais fidèle. Dans la mesure de mes moyens, j’aiderais les Foix à libérer Toulouse des croisés et, si j’en avais l’occasion, j’étranglerais Simon de Montfort avec ses propres tripes, en souvenir de Montbard et d’Ugolin. Par-dessus tout, je protégerais Pernelle de ma vie. Et si cela nuisait à la recherche de la Vérité, soit. J’assumerais mes choix. J’avais sans doute tort et Dieu me le ferait chèrement payer.
1
En personne.
Chapitre 14 Piste
Le lendemain matin, par acquit de conscience, je repris mon bâton de pèlerin et, suivant les indications des passants interrogés, j’explorai quelques autres églises et chapelles dans la cité, sans plus de succès. Je réalisais que le sceau du Cancellarius Maximus pouvait se trouver n’importe où dans l’immense masse de pierre et de bois que représentait Toulouse. Malgré l’enjeu, je commençais même à douter de son existence.
Je retournais bredouille vers le châtelet, l’air sans doute un peu abattu, lorsqu’une voix m’interpella.
— Alors ? Toulouse te plaît ?
Je cherchai d’où elle provenait et aperçus l’ange qui m’était apparu durant le conseil de guerre. Les bras chargés de linges pliés, elle me regardait en souriant. Je sentis mes jambes ramollir et mon cœur accélérer. J’avais l’impression de la connaître depuis toujours, d’avoir retrouvé quelqu’un que j’avais cherché toute ma vie sans le savoir. Je restai bêtement là, soudain aphone.
— Tu erres dans les rues à la moindre occasion, expliqua-t-elle. Tu dois bien avoir fait le tour d’une bonne partie de la cité.
— Ah. Euh. oui, elle est. grande.
— Grande ? Je suppose que c’est un compliment, dit-elle en s’esclaffant d’un rire pur comme le cristal.
— Ne le prends pas mal, dis-je avec trop d’empressement. Toulouse est très belle. C’est seulement que je viens d’un petit village et que je n’avais encore jamais vu une telle cité.
Je me repris de mon mieux et m’inclinai galamment.
— Je suis.
— Gondemar de Rossal. Je sais.
Je la regardai, interloqué.
— Mon frère parle de toi avec enthousiasme et respect.
— Ton frère ?
— Je suis Cécile de Foix.
— De Foix ? répétai-je stupidement.
— Roger Bernard est mon frère et, partant, Raymond Roger, mon père.
— Je suis enchanté, dame Cécile.
Je dus la dévisager stupidement, car elle se mit à rire, produisant un petit son enjôleur qui tenait presque autant de la musique que de la voix humaine. En regardant son visage encadré de longs cheveux blonds, je compris pourquoi je la trouvais si fascinante.
— Tu
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