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Le Fardeau de Lucifer

Le Fardeau de Lucifer

Titel: Le Fardeau de Lucifer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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ajouter.
    Je voulais tout à la fois lui dire adieu, le blâmer de m’avoir enseigné la violence, lui rappeler nos moments les plus agréables, lui demander pardon de l’avoir tant déçu, rire avec lui comme j’avais rarement pu le faire, solliciter une ultime bénédiction ou un dernier conseil, le supplier de ne pas me quitter. Comme toujours, ce fut lui qui décida de ce qui devait être dit. Il posa une main difforme sur mon avant-bras et le serra avec une affection toute paternelle.
    —    Memento... mei, discipulus, murmura-t-il. Laisse. ta conscience. te. guider.
    —    Vous êtes cette conscience, maître, répliquai-je entre deux sanglots. J’entendrai toujours votre voix.
    Un imperceptible soupir franchit ses lèvres et sa tête s’affaissa. C’était terminé. Bertrand de Montbard, l’homme qui était entré dans ma vie tel un tourbillon voilà si longtemps et qui en avait toujours occupé le centre, n’était plus. En observant son visage serein malgré les blessures, je me remémorai notre première rencontre.
    —    Quel âge avez-vous, jeune sire ? avait-il demandé, nullement impressionné par ce que je croyais si fièrement être.
    —    Quatorze années faites, messire, avais-je répondu avec l’orgueil d’un jeune nobliau imbu de lui-même.
    —    Et vous vous prenez déjà pour un homme, on dirait, avait-il déclaré avec ce mépris qui, sans que je le sache, annonçait l’affection virile et exigeante qu’il m’accorderait toujours.
    Je fermai ses paupières, l’abandonnant au sommeil éternel. Puis serrai sa tête contre ma poitrine et je posai un baiser sur son front.
    —    Je vous aime, maître. Pardonnez-moi, chuchotai-je, espérant que, là où il se trouvait, il m’entendrait.
    Jamais, de toute ma vie, je n’avais tant voulu prier pour demander, pour cet homme juste et droit, une place au paradis. Je ne saurais décrire l’amertume qui me remplit à la pensée qu’on me privait du réconfort de quémander le salut d’une âme qui m’était chère. Je crois que les larmes que je versai sur la dépouille de mon maître furent autant pour ma vie gâchée que pour la sienne, dont j’étais le seul échec. J’enfouis au plus profond de moi la colère que je ressentais. Je la garderais au froid et, lorsque le moment serait venu, je l’utiliserais.
    Ta conscience t’accompagnera et te tourmentera sans cesse, m’avait annoncé Métatron. Il ne subsistait de cette auguste conscience que le peu que j’en avais absorbé. J’étais désormais seul, entièrement soumis à mes faiblesses et indigne de la confiance que les autres plaçaient en moi. Cela faisait partie, sans doute, de la peine qui m’était infligée.
    Il ne me restait que Pernelle. Pour elle, j’avais mis en péril la quête pour laquelle j’étais ressuscité. J’avais risqué mon âme immortelle. Cela ne devait pas être en vain. Je déposai doucement la tête de mon maître sur le sol et me relevai, faisant appel à ce qu’il me restait de force pour me tenir debout. J’avisai Ugolin, accroupi auprès de mon amie, puis Raynal, les braies toujours sur les chevilles. Il reprenait ses esprits et, même gravement blessé, allait sans doute appeler à l’aide. Quand nos regards se croisèrent, j’y lus une peur intense qui me procura une immense satisfaction.
    Je m’approchai lentement du traître, le désir de vengeance me rendant des forces et drapant un voile noir sur mon âme. Raynal s’agita frénétiquement et parvint à se remettre debout. Mon poing sur son visage l’empêcha d’ameuter le camp. Quelques dents en moins, il vacilla sur une jambe et retomba lourdement sur le dos, sonné et silencieux. Puis je fondis sur lui. Mille façons de mettre fin à sa vie s’offraient à moi. J’aurais pu plaquer ma main sur sa bouche jusqu’à ce qu’il cesse de respirer. J’aurais pu lui trancher la gorge et transformer ses cris en gargouillis. J’aurais pu fermer les doigts sur son cou et serrer jusqu’à ce qu’il expire. Mais je ne fis rien de cela. J’avais une vengeance à exercer et un serment à respecter. Je lui offris donc un baiser, ma main saisissant sa nuque et mes lèvres se pressant avec fougue contre les siennes. Ensuite, tout ne fut que ténèbres et je serais incapable de relater ce qui se déroula même si ma vie en dépendait. Lorsque je repris mes esprits, mon menton dégoulinait de sang chaud et je tenais la langue de Raynal entre mes dents.
    Je la

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