Le Fardeau de Lucifer
fourreau et gardai Memento en main. Avant de sortir, j’abattis mon pied sur le visage de Simon de Montfort. Il ne le sentit pas, mais cela me fit grand bien.
1
Une livre vaut 500 grammes.
2
Le bon berger donne sa vie pour ses brebis. Jean 10,11.
Quatrième partie
Cancellarius Maximus
Chapitre 17 Asile
C’est toujours avant l’aube que la nuit est la plus noire. C’est aussi à ce moment que l’homme est le moins alerte et que le guerrier astucieux planifie ses attaques. Ce fut sans doute ce qui nous sauva la vie.
En écartant la toile de la tente pour jeter un coup d’œil dehors, je réalisai que deux ou trois heures tout au plus s’étaient écoulées depuis mon arrivée. Ce court intervalle avait suffi à faire basculer ma vie de nouveau. J’étais entré dans le camp en espérant retrouver Pernelle. Si j’en ressortais, ce serait avec elle et Ugolin, mais sans Bertrand de Montbard. J’étais arrivé enfant. Je repartirais homme.
Dehors, tout semblait tranquille. Je passai prudemment la tête à l’extérieur, mais je ne perçus aucun mouvement. Le camp des croisés dormait. Je sortis le premier et, après avoir évalué à nouveau les environs, je fis signe à Ugolin de me suivre. Son triste fardeau dans les bras, il obtempéra. Nous avançâmes avec une extrême prudence entre les tentes encore debout, nous assurant de ne poser les pieds sur aucune brindille dont le craquement trahirait notre présence. Nous n’avions qu’une chance de sortir du camp sans ameuter ses habitants et nous devions le faire avant qu’ils s’éveillent pour se mettre en marche. Memento bien en main, j’avais conscience que, Ugolin portant Pernelle, j’étais le seul à pouvoir nous défendre si jamais nous étions découverts. Dans l’état où j’étais, cela représentait un bien mince espoir de survie.
À mon arrivée, j’avais observé que les gardes étaient disposés en cordon autour du camp et, quand nous parvînmes en vue du périmètre, je constatai qu’il était toujours hermétiquement gardé. J’eus beau évaluer les options, je ne vis pas de porte de sortie. Nous étions coincés au milieu de l’ennemi, et sous peu le soleil révélerait notre présence. Dès qu’on constaterait la mort de Montfort et de Raynal, l’alerte serait donnée et je ne donnais pas cher de notre peau.
Ce fut alors que Roger Bernard de Foix démontra providentiellement à quel point il était un habile général. J’étais là, à me demander comment sortir du cul-de-sac dans lequel nous étions fourrés, lorsque le grondement des sabots explosa dans la nuit. Après un moment de surprise, des cris d’alarme retentirent et le camp fut pris de frénésie. J’attrapai Ugolin par le bras et le tirai à l’écart, derrière une tente qui se trouvait près d’un buisson. Nous nous tapîmes dans le noir, protégeant Pernelle de nos corps, juste à temps pour ne pas être vus par les hommes qui en émergeaient, l’arme au poing.
— Le jeune comte a décidé de faire une nouvelle sortie, murmurai-je en scrutant la pénombre devant moi. Il apparaît à temps. Attendons de voir ce qui se passe. À la première occasion, partons d’ici.
La nuit était sombre. De rares étoiles constituaient son seul éclairage. Roger Bernard avait parfaitement choisi son moment. Le vacarme des chevaux se rapprochait vite et les croisés s’agitaient dans tous les sens pour former une ligne défensive face aux Toulousains. Une minute plus tard, le choc des armes éclata. Pour autant que je puisse le déterminer, une centaine de cavaliers cathares appliquaient notre stratégie initiale, se contentant d’écrémer les premiers rangs de leurs adversaires sans céder à la tentation de s’y enfoncer. Pour contrer l’attaque, tous les croisés se massèrent vers le front. Ils furent vite débordés et leurs officiers avaient tout le mal du monde à maintenir la discipline de leurs troupes. À force de braire des ordres, ils y parvinrent et offrirent aux hommes de Roger Bernard une résistance accrue qui sonna la fin de leur attaque.
Foix nous prit tous par surprise. Car alors même que les croisés croyaient avoir repoussé l’ennemi, une cinquantaine de ses hommes surgirent de l’autre extrémité du camp, délaissé par les soldats qui s’étaient lancés dans l’affrontement. À leur tête galopait le jeune comte, l’arme au poing. Les hommes de Montfort se retrouvèrent pris entre deux feux et leur déroute fut totale.
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