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Le Fardeau de Lucifer

Le Fardeau de Lucifer

Titel: Le Fardeau de Lucifer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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serra. La face de Montfort gonfla de manière grotesque et passa du rose au pourpre. Ses yeux s’exorbitèrent et une expression d’incrédulité les traversa. Sa bouche s’ouvrit et se referma comme celle d’un poisson hors de l’eau. Ses jambes s’agitaient comme celles d’un pantin désarticulé. Désespéré et faiblissant, il lâcha son épée et, à deux mains, tenta de faire lâcher prise à Ugolin. Mais c’était peine perdue. Le géant de Minerve se mit à secouer l’autre comme un vulgaire fétu de paille jusqu’à ce qu’il soit inerte, puis continua encore, incapable de s’arrêter.
    —    Ugolin ! criai-je, l’effort m’arrachant de terribles douleurs.
    Ma voix n’eut aucun effet. Le Minervois continuait à ballotter le croisé comme s’il espérait en faire sortir la moindre parcelle de vie par les ouvertures.
    —    Ugolin ! répétai-je aussi fort que j’en étais capable. Occupe-toi de Pernelle !
    Mon cri atteignit enfin les tréfonds où la raison du géant de Minerve s’était retranchée. Ses doigts se desserrèrent peu à peu, presque à regret, et il laissa tomber Montfort sur le sol. Il resta là, immobile, à fixer le corps, soufflant comme un taureau enragé puis finit par l’enjamber et se rendre auprès de Pernelle. Malgré sa main blessée, il défit les liens qui lui retenaient les poignets puis la souleva avec délicatesse, la blottit contre sa poitrine et se rendit au lit de camp où Montfort avait dormi. Il la déposa comme le plus précieux des trésors et écarta de son visage les cheveux en sueur. Le regard fixe, Pernelle ne le voyait pas. Elle ne pleurait pas, ni ne gémissait. Je reconnus aussitôt cette expression. Elle s’était réfugiée à nouveau dans cet endroit qu’elle avait aménagé jadis au plus profond d’elle-même, là où la blessure de l’outrage ne l’atteignait plus.
    Ugolin la couvrit avec pudeur d’une couverture, l’abandonna après lui avoir caressé la joue et revint ramasser la dague pour trancher mes liens. Mes jambes ne me portèrent pas et, aussitôt libéré, je me serais effondré s’il ne m’avait soutenu.
    —    Tu peux marcher ? demanda-t-il.
    —    Je crois, oui.
    Je testai mes jambes et réussis à me tenir debout en branlant un peu. J’avisai mon camarade. Ni Ugolin ni moi n’étions tout à fait nous-mêmes. Nos corps étaient meurtris, nos âmes encore davantage. Je me sentais au bord des larmes, d’épuisement, de douleur et de peine. Mon ami n’en menait guère plus large. Des gouttes de sang coulaient à un rythme régulier de sa main blessée, mais il n’y prêtait aucune attention. Il se tenait là, hébété, sans savoir que faire. Je compris que, capable ou pas, il me fallait prendre les choses en main. Mais que devais-je faire ? Près de moi, les deux êtres les plus importants de ma vie gisaient, chacun gravement abîmé. Pouvais-je en sauver un ?
    Chose certaine, il était urgent de quitter cet endroit, mais mon hébétude était telle que je me sentais incapable de décider quoi que ce soit. Le simple fait de respirer sollicitait jusqu’à la dernière parcelle de ma volonté.
    Un faible râle de Montbard me tira de ma confusion. En tenant mes côtes meurtries, je me dirigeai vers lui et m’agenouillai en grimaçant. Il était resté là où il était tombé après avoir interrompu Raynal. Face contre terre, immobile, il respirait à peine. Je le retournai doucement sur le dos en essayant de ne pas regarder les tripes qui lui sortaient du ventre et je lui supportai la tête d’une main.
    —    Maître. murmurai-je. Je suis là.
    Ses paupières frémirent et il entrouvrit l’œil qui lui restait.
    —    La petite. Elle. est. vivante ? s’enquit-il avec un filet de voix.
    —    Grâce à vous.
    —    Bien, soupira-t-il. Alors, je. meurs. en. paix.
    J’aurais voulu le contredire, le convaincre qu’il vivrait et
    même y croire, mais je n’étais pas naïf à ce point. J’avais vu la mort de près assez souvent pour savoir qu’il disait vrai. Même si Pernelle avait été en état de le soigner, elle n’aurait rien pu faire pour lui. Bertrand de Montbard, cette force de la nature, allait mourir. Il ne restait de lui qu’une carcasse brisée que son âme noble abandonnerait bientôt. Sans honte, je laissai libre cours aux larmes qui s’échappaient de mes yeux bouffis et caressai ses cheveux encroûtés de sang.
    —    Maître. dis-je, ne sachant quoi

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