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Le Fardeau de Lucifer

Le Fardeau de Lucifer

Titel: Le Fardeau de Lucifer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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avoir adressé des vers coquins à la vicomtesse et à ses deux sœurs !
    —    On ne peut pas lui reprocher de ne pas être entreprenant ! Ou de ne pas avoir l’esprit de famille !
    —    Disons que si sa soutane était de bronze, il sonnerait fréquemment l’angélus, rétorqua le Magister en riant de bon cœur. Pour ma part, j’aurais préféré qu’il continue à s’échauffer les sangs en rêvant de lutiner de grandes dames. Au lieu de cela, il a réinvesti ses énergies dans le meurtre.
    Sa bonne humeur l’abandonna. Il frappa un nouveau coup et inspira pour se calmer.
    —    Pardonne-moi, Gondemar. Je déteste me sentir impuissant. Si nous n’étions pas forcés de rester ici, il y a longtemps que je me serais lancé dans la bataille, même avec le peu de forces qu’il me reste.
    —    Je vous comprends. Croyez-moi, j’ai le même sentiment.
    —    La croisade a été bonne pour Innocent. Il est plus puissant que jamais. Il règne sur Rome comme un monarque. Il a purgé la curie de tous ceux qui s’opposaient à lui et ce qu’il en reste lui est entièrement soumis. Les rois lui obéissent aveuglément, de peur d’être excommuniés et d’y perdre leur salut. La chrétienté entière est à genoux devant lui. Si je n’étais pas bon chrétien, je courrais auprès d’un prêtre confesser la haine que j’éprouve pour lui.
    —    Et son légat ne vaut guère mieux.
    —    Sa Sainteté ne salit jamais ses précieuses mains ornées de bijoux. Il préfère lâcher des molosses comme Arnaud Amaury dont il absout à l’avance les crimes. Et les chiens aiment la viande fraîche.
    —    Et si jamais Montségur est assiégée ? m’enquis-je. Que se passera-t-il alors ? Y a-t-il quelque chose de prévu ?
    Ravier se retourna vers moi et ses yeux trouvèrent les miens.
    —    Tôt ou tard, elle le sera. Elle est puissante, mais tout finit par tomber si on insiste assez longtemps. Il faudra assurer la sécurité de la Vérité avant que cela ne se produise. L’important est qu’elle soit préservée, ici ou ailleurs. Ce sera à moi d’en décider. Ou à mon successeur.
    —    Vous avez encore bien des années devant vous, dis-je pour l’encourager.
    —    Je ne suis pas naïf, répondit-il avec sérénité. Je suis vieux et malade. Les jours me sont comptés. Et tant mieux. Je suis fatigué de lutter.
    Nous continuâmes à travailler en silence. Au fil des heures, l’épée prit sa forme. Longue et un peu plus effilée qu’elle aurait dû, elle me plaisait beaucoup et je me surpris à envier celui qui la manierait. Il prendrait plaisir à la faire siffler sans effort. Elle deviendrait vite le prolongement naturel de son bras et il pourrait combattre longtemps.
    Lorsque la lame fut à mon goût, je la plongeai, encore rouge, dans un bain d’eau fraîche pour la durcir. Une vapeur chaude monta et envahit la forge, nous faisant suer encore davantage. Puis, sur le conseil de Ravier, qui activait le soufflet, je la fis chauffer à une température inférieure pour la rendre encore plus résistante. Pendant qu’elle refroidissait près de l’enclume, nous bûmes un peu de vin coupé d’eau pour nous rafraîchir. Puis je me dirigeai vers une meule, activai la pédale de bois près du sol pour la faire tourner et me mis à affiler l’arme naissante. Perdu dans un nuage d’étincelles qui me piquaient le torse et les bras, je ne pus m’empêcher de reconnaître que le vieux templier avait raison : depuis des heures, je n’avais songé ni à Montbard ni à mon propre sort. Il me fallut une bonne heure pour obtenir le double tranchant que je souhaitais. Je le testai avec l’ongle du pouce et en fus satisfait. Elle était aussi effilée qu’un rasoir. Je tins la lame dans le plat de mes deux mains et l’élevai devant mes yeux, satisfait. Elle était la perfection même.
    —    Tu l’aimes ?
    —    Oh oui. C’est une merveille. J’envie celui qui la brandira.
    —    Elle n’est pas encore terminée, dit Ravier. Donne-la-moi et reste là.
    Intrigué, je la lui tendis. Me tournant le dos, il se mit au travail sur l’enclume. Il s’activa plusieurs minutes, frappant de temps à autre à petits coups mesurés, puis se retourna et me tendit le produit fini.
    —    Voilà.
    D’une main experte, il avait terminé l’assemblage de l’épée. Je la pris et l’examinai. Assez longue pour être saisie à deux mains, mais facilement maniable

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