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Le Fardeau de Lucifer

Le Fardeau de Lucifer

Titel: Le Fardeau de Lucifer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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d’une seule s’il le fallait, la poignée était d’une rare beauté et merveilleusement ouvrée. Le pommeau était rond et plat, rappelant le bout de l’abacus du Magister des Neuf. La garde droite s’évasait à chaque extrémité, un peu comme les bras de la croix pattée. Au centre, sous la lame, se trouvait l’abréviation O IX finement ciselée, à peine visible. Ordo Novem. Perplexe, j’interrogeai Ravier du regard.
    —    Elle est à toi, mon frère, dit-il en souriant. La tradition veut que chaque combattant de l’Ordre des Neuf forge sa propre arme. J’aurais voulu que tu puisses le faire le lendemain de ton initiation, mais tu étais si troublé que j’ai préféré te laisser assimiler tout ce qui t’arrivait. Puis est venue la blessure de sire Bertrand. Mieux vaut tard que jamais. C’est fait maintenant.
    —    Je. je ne sais que dire, balbutiai-je en la tenant à bout de bras, admiratif.
    Il posa la main sur mon épaule et me serra avec affection.
    —    Alors ne dis rien, Gondemar. Tu l’as forgée à la sueur de ton front et elle fait maintenant partie de toi. Souviens-toi de ce qu’elle signifie pour nous : tirée du feu, elle est la lumière et défend la Vérité. Uses-en à bon escient. Comment l’appelleras-tu ?
    Je clignai des yeux, surpris. Jamais l’idée ne me serait venue de baptiser une arme.
    —    Une arme que l’on a forgée soi-même doit avoir un nom, dit Ravier. Quelque chose qui ait un sens pour celui qu’elle défend.
    Je réfléchis un moment et la réponse me vint tout naturellement.
    —    Memento Creatoris tui in diebus iuventutis tuae, antequam veniat tempus afflictionis, et appropinquent anni, de quibus dicas : « Non mihi placent » 5 . Memento. dis-je d’une voix étranglée. Elle s’appellera Memento.
    —    Tu as la conscience lourde, on dirait, mon frère.
    —    Plus que vous ne pourrez jamais l’imaginer.
    —    Nous sommes tous imparfaits et chacun de nous porte sa part de péchés. Après tout, les membres combattants des Neuf ont été choisis parce qu’ils savaient exécuter les gestes nécessaires à leur charge.
    Je m’écartai un peu et fis siffler l’épée dans les airs, traçant les huit énergiques que Montbard m’avait appris. L’équilibre de Memento était la perfection même. J’avais l’impression de ne rien avoir dans la main et, pourtant, l’arme était là, agile et menaçante. Le Magister se dirigea vers un coin de la baraque. Une collection de fourreaux de bois recouverts de cuir étaient suspendus au mur. Il en choisit un et revint me l’offrir. J’y insérai Memento et constatai qu’il convenait parfaitement. Satisfait, il soupira et s’étira. Son dos émit un craquement sonore.
    —    Il se fait tard et je suis bien vieux pour de tels travaux. Sortons d’ici et allons nous reposer. Demain matin, tu testeras ton œuvre pendant l’exercice. Je me réserve tes premiers coups.
    —    D’accord, dis-je. Je vais passer voir comment se porte sire Bertrand. Ensuite, j’irai visiter Sauvage à l’écurie. Depuis le premier jour, nous avons rarement été séparés. La pauvre bête doit se demander ce qui m’arrive.
    Nous repassâmes nos chemises sur nos corps mouillés de sueur et sortîmes. Dehors, le soleil couchant baignait la forteresse d’une lumière irisée de rose et de bleu. Je fus étonné que la journée entière se soit écoulée si vite. Tenant l’épée que je chérissais déjà autant qu’une amante, je me mis en marche vers l’infirmerie, le pas léger comme dans un rêve. Désormais, chaque fois que je frapperais avec Memento pour défendre la Vérité, elle me rappellerait les raisons pour lesquelles je me retrouvais dans cette position.
    Tout à coup, Ugolin surgit en courant.
    —    Gondemar, Gondemar ! appela-t-il en gesticulant.
    Il arriva à ma hauteur.
    —    Dame Pernelle te demande. Vite !
    —    C’est Montbard ? demandai-je d’une voix étranglée. Que se passe-t-il ?
    —    Suis-moi, se contenta-t-il de dire.
    Je fis irruption dans l’infirmerie, le sang tourné en glace dans les veines. Je soufflais comme un cheval après un long galop, non pas tant à cause de l’effort fourni, mais bien en raison de l’angoisse qui me tordait les entrailles. Ugolin s’immobilisa dans l’embrasure de la porte, le visage pâle.
    —    Vas-y, dit-il, livide. Je. je reste ici.
    Je conçus de son attitude une inquiétude encore plus

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