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Le Fardeau de Lucifer

Le Fardeau de Lucifer

Titel: Le Fardeau de Lucifer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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grande. Visiblement, quelque chose le terrorisait et je savais à quel point ce colosse avait peur du sang. Faisant fi des malades qui reposaient dans les lits alignés le long des murs, je traversai la pièce en coup de vent, renversant au passage quelques assiettes empilées sur une table et réveillant plus d’un patient. Je surgis dans le réduit où l’on gardait mon maître à l’écart, croisant Daufina dans la porte entrebâillée. Ravier arriva quelques instants plus tard.
    —    Que se passe-t-il ? m’écriai-je dès que j’aperçus Pernelle accroupie auprès du lit. Est-il. ?
    —    Il est vivant, coupa-t-elle en se retournant vers moi. Mais.
    Mon amie avait les traits tirés. Éperdu, j’avisai la scène autour de moi et tentai d’en comprendre le sens. Le plancher, les draps, les linges qui traînaient partout, tout était maculé de sang. Près du lit, deux Parfaits que je ne connaissais pas s’essuyaient les mains, ensanglantées elles aussi. Puis, je vis la jambe. Elle traînait sur le sol, coupée au milieu de la cuisse. J’eus l’impression que le plancher tanguait sous mes pieds et que le sang quittait ma cervelle. Pernelle se leva et vint me rejoindre en boitant.
    —    C’est ma faute, dit mon amie en ravalant un sanglot de peine et de colère. J’ai été si bête !
    —    Bordel de Dieu ! Tu lui as coupé la jambe ? explosai-je. Explique-toi ! Que s’est-il passé ?
    Elle inspira profondément et se mit à se tordre les mains en regardant le sol.
    —    Son ventre était en bon état, bégaya-t-elle. La plaie était belle. Il n’avait ni douleur ni gonflement. La bouillie de blé avait bien passé. Tout semblait bien aller. Pourtant, sa fièvre ne tombait pas. Je n’y comprenais rien. Je me suis entêtée à lui donner sa décoction de saule, mais cela ne suffisait pas.
    Elle releva vers moi des yeux désemparés et luisants de larmes.
    —    J’ai décidé de lui donner un bain froid. Lorsque je l’ai déshabillé, j’ai vu son genou. Personne ne m’avait dit qu’il avait été blessé ! Le pauvre homme était trop mal en point pour se plaindre.
    Je songeai immédiatement à la blessure que Raynal lui avait accidentellement infligée durant l’entraînement.
    —    L’entaille s’était corrompue et la chair était noire comme l’âme du diable. Sa jambe était gangrenée, termina Pernelle de peine et de misère. J’ai dû l’amputer avant que la corruption ne se répande.
    Ses lèvres se mirent à trembler comme le faisaient celles de la petite fille que j’avais connue dans la forêt de Rossal. Malgré le mélange de colère et de découragement qui m’avait envahi, j’en fus attendri.
    —    Je. je suis désolée, bredouilla-t-elle. C’est de ma faute. J’aurais dû savoir. Je. je.
    À court de mots pour exprimer son regret, elle se jeta contre moi et se mit à pleurer à chaudes larmes, le visage enfoui dans mon épaule et le corps secoué par les sanglots. Je la serrai fort en caressant sa nuque.
    —    Tu as fait de ton mieux, Pernelle, lui murmurai-je d’une voix que j’espérais réconfortante. Tu lui as déjà sauvé la vie deux fois en lui recousant les boyaux. Je suis certain que dès qu’il pourra parler, Montbard te dira qu’une jambe est un bien petit prix à payer.
    —    Il vivra ? s’enquit Ravier, l’air hagard.
    Mon amie se dégagea de mon étreinte, s’essuya les yeux et renifla comme la fillette qui me dévoilait ses pires secrets.
    — Oui, ne craignez rien. Je l’ai amputé bien au-dessus de la corruption et tout est proprement cautérisé. J’ai conservé des rabats de peau que j’ai recousus par-dessus. Il n’aura qu’une cicatrice sur le moignon. Il s’en remettra. Je le veillerai jour et nuit s’il le faut.
    Le templier toisa longuement la jambe inerte sur le sol, m’adressa un regard lourd de sens, tourna les talons et sortit. Je savais ce qu’il pensait. Les Neuf venaient de perdre un membre en état de protéger la Vérité. Ce que j’ignorais encore, c’était le sort que l’Ordre réservait à l’impotence.
    À nouveau, je passai plusieurs nuits à veiller mon maître, rongé par l’inquiétude. Cette fois, Pernelle m’accompagna. Rien au monde n’aurait pu la convaincre d’abandonner le chevet de son patient. Un matin, après cinq ou six jours de veille, elle m’annonça triomphalement que la fièvre de Montbard était enfin tombée, ce qui signifiait qu’à moins

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