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Le Fardeau de Lucifer

Le Fardeau de Lucifer

Titel: Le Fardeau de Lucifer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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pire qui pouvait arriver serait de tomber sur les troupes de Montfort et de devoir réellement l’occire.
    L’air de juin était agréable. Nous emportions avec nous quelques jours de provisions que nous prévoyions renouveler en cours de route. Cela ne poserait pas de problème tant que nous nous trouverions en terre amie. Ensuite, nous devrions improviser, quitte à chaparder au besoin. Tout dépendait du temps qu’il nous faudrait pour retrouver Montfort. Pour la première fois depuis longtemps, j’allais monter Sauvage. Je l’avais beaucoup négligé et j’anticipais avec bonheur la sensation satisfaisante de son poitrail entre mes cuisses.
    J’avais tenté d’éviter de devoir faire mes adieux à Pernelle en ne lui révélant pas l’heure de notre départ, mais elle m’avait attendu près de la porte. Le teint pâle, les yeux rouges et bouffis, il était évident qu’elle avait passé la nuit à pleurer et à rager. Lorsque je me dirigeai vers la porte de la muraille, bien en selle à la tête de ma petite troupe, elle s’approcha d’un pas résolu et m’empoigna la jambe. Le geste était pitoyable et je sentis mon cœur se briser en la voyant s’humilier ainsi, elle pourtant si fière et indépendante.
    —    Dois-tu vraiment partir ? demanda-t-elle en m’adressant un regard suppliant.
    —    Tu sais bien que oui, dis-je en tentant en vain de récupérer mon membre.
    —    Tu estimes devoir partir. C’est différent.
    Elle agrippa mon mollet à deux mains et le serra contre sa poitrine. Je me sentais à la fois impatienté et ému. Je savais que Pernelle tenait à moi, mais jamais encore je n’avais réalisé à quel point.
    —    C’est du suicide pur et simple, plaida-t-elle. Je t’en conjure, n’y va pas. Je ne t’ai pas sauvé la vie pour apprendre que tu as été la gaspiller loin d’ici.
    Ses lèvres se mirent à trembler et ses yeux se remplirent d’eau. L’espace d’un fugitif instant, je revis la fillette blessée que j’avais connue ; le seul être humain que j’avais jamais vraiment voulu protéger.
    —    Je. je. je t’avais perdu et je t’ai retrouvé, sanglota-t-elle. Je ne veux pas te perdre à nouveau. Pour toujours.
    —    Allons, Pernelle, sois raisonnable. Tout cela a été discuté.
    —    Décrété, plutôt ! rétorqua-t-elle, sa douleur se muant en colère, les poings serrés sur les cuisses. Tu ne fais qu’à ta tête, comme toujours, maudit hutin ! Tu n’aimes personne d’autre que toi ! Sans-cœur !
    Je la regardai sans savoir que faire. Que pouvais-je dire ? Que la tâche qui m’était confiée exigeait que je sois inflexible ? Que, pour avoir la moindre chance de sauver mon âme, je devais considérer les autres comme des accessoires jetables ? Que la cause que je servais était supérieure à toute autre considération ?
    Que Dieu, en me damnant, me privait des consolations de l’amour et de l’amitié ? Que j’étais condamné à vivre seul, maudit et portant ma croix parmi les sauvés ?
    —    J’aimerais pouvoir faire autrement, je te l’assure, dis-je d’une voix étranglée, mais j’ai mes raisons. Tu dois me faire confiance.
    —    Et toi, me fais-tu confiance à moi, en me laissant derrière ?
    Pernelle était têtue comme une mule et je savais fort bien
    qu’elle ne lâcherait pas le morceau. Il valait mieux qu’elle m’oublie. Qu’elle me haïsse s’il le fallait. Je préférais perdre son amour que causer sa perte.
    —    Mais vas-tu jamais cesser de m’importuner ? grondai-je. Le fait que tu m’aies sauvé la vie ne fait pas de toi ma mère ! Allez, ouste ! Laisse-moi partir !
    Pernelle s’accrocha à ma jambe avec obstination.
    —    N’y va pas, reprit-elle, le regard durci et les lèvres pincées par une détermination née du désespoir.
    Je secouai la jambe pour la dégager de son emprise, puis poussai mon amie dans la poitrine pour l’éloigner. Surprise, elle recula de quelques pas et sa jambe infirme lui fit perdre l’équilibre. Elle se retrouva par terre. En voyant la scène, j’eus le cœur brisé, mais je ne devais pas faiblir.
    —    Laisse-moi tranquille ! m’écriai-je. Tu entends ? Tiens-toi loin de moi ! Je ne vaux pas ton amour ! Je ne le veux pas ! Hors de ma vue !
    Je levai les yeux vers mes compagnons de voyage, qui se tenaient respectueusement à l’écart. L’air embarrassé, Montbard me fixait, et je sus qu’il comprenait ce que j’étais en

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