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Le Fardeau de Lucifer

Le Fardeau de Lucifer

Titel: Le Fardeau de Lucifer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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les apparences.
    —    Alors le temps est venu de changer de rôles, répondis-je en mastiquant sans appétit un morceau de pain sec.
    Raynal et Montbard sortirent de leurs bagages les manteaux templiers qu’ils avaient emportés. Ils les passèrent puis bouclèrent leur ceinture par-dessus. Ainsi vêtus, ils devenaient officiellement les gardiens dépêchés par le Temple pour livrer Gondemar de Rossal aux croisés. Au matin, je devrais me départir de mon épée et de ma dague.
    Lorsque nos préparatifs furent au point et que nous eûmes révisé notre histoire pour ne pas nous y empêtrer au moment critique, nous nous couchâmes, chacun plaçant ses armes près de lui. Quelques instants plus tard, les ronflements sonores de mon maître emplirent la nuit. Je souris en me disant que, faute de feu, ils auraient au moins l’avantage de tenir à distance les bêtes sauvages. Quant à Raynal, sa respiration était égale, mais je ne pouvais dire s’il dormait ou était aux aguets. Pour ma part, le sommeil me fuyait, comme il le faisait trop souvent. La Vérité était peut-être à portée de main et je me sentais fébrile. J’avais conscience, aussi, d’être en train de risquer ma vie sans aucune certitude, mais je n’avais rien à perdre.
    Je commençais enfin à somnoler lorsqu’un craquement sec me fit sursauter. Comme me l’avait inculqué mon maître, j’ouvris les yeux et fermai subrepticement ma main sur la poignée de ma dague. Je tendis l’oreille et notai que les ronflements de Montbard avaient changé de sonorité. Le vieux diable avait entendu, lui aussi, et faisait semblant de dormir. J’attendis de longues minutes, immobile, sans que rien d’autre ne se produise. Je voulus attribuer le bruit inhabituel au passage d’une bête, mais je n’étais pas tranquille. Je décidai donc de jouer de finesse. Je m’assis comme si de rien n’était et glissai discrètement ma dague dans ma ceinture. Je m’étirai ostensiblement, me levai et me mis en route avec nonchalance avec un croissant de lune pour tout éclairage. En passant près de Montbard, je vis qu’il me regardait fixement et qu’il avait deviné ce que j’avais en tête. De quelques signes discrets, il m’indiqua qu’il était prêt à recevoir de belle façon celui que je rabattrais vers lui. Je poursuivis ma route jusqu’à une certaine distance de mes compagnons, détachai mes braies et me mis à pisser. Par bonheur, le jet était abondant et le profond soupir que je laissai échapper n’était pas que comédie. Puis je disparus dans la nuit.
    Je fis un long détour pour contourner notre campement sans être vu. Ma dague en main, je marchais sur la pointe des pieds afin de me faire le plus discret possible. Parvenu à l’endroit d’où le bruit m’avait semblé provenir, je m’accroupis et tendis l’oreille. Rien. Je finis par me rendre à l’évidence : un animal était passé et il était maintenant loin. Je secouai la tête dépité et j’allais me relever lorsque je me figeai sur place. J’avais entendu des murmures, j’en étais sûr. Les sens en alerte, j’avançai à tâtons, espérant surprendre ceux qui nous tournaient autour. Soudain, un nuage masqua la lune et je fus plongé dans une complète noirceur. Je m’immobilisai aussitôt, conscient du risque qu’il y avait à continuer sans voir le bout de mon nez. Celui qui nous espionnait n’avait visiblement pas vu les choses du même œil, car il me fonça dedans. Le choc dans mon dos me fit momentanément perdre l’équilibre. Avant que je puisse me reprendre, je fus enserré dans un étau, soulevé de terre et rabattu au sol avec une telle force que mes poumons se vidèrent sous le choc. Au bord de l’inconscience, je tentai de rouler sur le côté, mais un coup de massue m’atteignit au visage et fit scintiller des étoiles devant mes yeux. Sonné, je sentis ma poitrine s’écraser sous quelque chose de lourd, une main se plaquer sur ma bouche et la pointe d’une dague s’appuyer sur ma gorge.
    Dans le ciel, le croissant de lune sortit des nuages et éclaira une immense silhouette penchée sur moi. Puis une ombre se matérialisa derrière l’inconnu qui allait me renvoyer en enfer. L’homme se raidit, mais la pression de l’arme sur ma gorge ne diminua pas.
    —    Alors, Ugolin ? Te voilà en train d’occire tes amis ? tonna Bertrand de Montbard, un sourire dans la voix.
    Pendant un instant, rien ne se produisit. Puis la dague fut

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