Le faucon du siam
question.
« Voulez-vous alors nous bénir, révérend père, pour notre
voyage à Madras et pour... » Il hésita «... pour notre voyage en Perse, au cas
où nous irions aussi là-bas avant de vous revoir?
— En Perse ? s'écria Sandv en se levant d'un bond.
Il a dit "en Perse"? Je vais le tuer! »
Dom Francisco prit un air horrifié. « Mon fils, nous
allons réciter le Notre Père. Calme-toi ou la colère de Dieu va s'abattre sur
toi.
— Oui, et sur nous tous, grâce à toi, Sandy, fit
l'Irlandais nerveusement. Nous sommes tous ensemble dans cette affaire, tu le
sais. » Il joignit les mains devant lui et se plongea dans une prière fervente.
« Qu'est-ce qui se passe ici ? Et qui a hurlé comme ça? »
Le second avait surgi à l'entrée de la cabine. Il avait un bras appuyé sur la
cloison. « C'est une séance fichtrement bruyante, mon père. Ça ne ressemble
guère à une messe. Qu'est-ce qui se passe ?
— Je suis désolé, senhor, souligna le prêtre.
Les hommes ont demandé à être bénis pour leur voyage jusqu'à Madras. L'un d'eux
a dit quelque chose à propos de la Perse, mais les autres ont assuré qu'il
n'était pas question pour eux d'aller là-bas. Et cela a provoqué une petite
dispute.
— Bien sûr qu'ils ne vont pas en Perse, lança le
second, furieux. Quel est l'imbécile qui a dit ça? C'était toi, Sandy? »
Sandy était toujours debout, alors que les autres étaient
à genoux.
« Je vous demande pardon, monsieur, c'était ce demi-caste
là-bas, dit-il en désignant Rodriguez.
— Je crois que vous feriez mieux de rentrer à terre
maintenant, mon Père. Ce n'est pas le genre de bénédiction à laquelle je
pensais.
— Je comprends, senhor. Veuillez accepter mes
excuses.
— Vous ne voulez pas nous entendre en confession,
révérend père? demanda Rodriguez, d'un ton inquiet. Pereira aimerait que vous
l'entendiez aussi, fit-il en désignant son compagnon.
— Mes fils, l'officier veut que je parte maintenant.
Mais je vous mentionnerai dans mes prières. Et Dieu vous protégera.
— Rompez les rangs », dit le second d'un ton résolu.
Il s'obligea à sourire au prêtre. « Peut-être, mon Père, après notre retour de
Madras... »
Le prêtre fit une nouvelle fois le signe de croix devant
ses ouailles dépenaillées et repartit.
Dom Francisco resta un long moment à contempler en
silence l'océan. Du seuil de la petite église, la vue était magnifique. Quelle
décision déplaisante, songea-t-il. Une nouvelle fois, il leva les yeux au ciel
et pria Dieu de lui donner conseil. Il était maintenant presque sûr que le
navire se rendait en Perse. Mais quels étaient donc ces secrets commerciaux qui
mettaient les hommes dans une telle fureur? Que transportait donc le navire dont
on ne pouvait indiquer la véritable destination? Allait-il provoquer souffrance
ou violence en révélant ce qu'il avait entendu ? Mais, il en convenait, ce
n'était pourtant pas sa préoccupation première. Ce qui le tracassait plus que
tout, c'était le caractère sacré que revêtait la confession.
Bien sûr, on ne pouvait guère considérer cette petite
cabine comme un confessionnal. Mais l'homme aux cheveux roux et au regard
anxieux lui avait demandé si c'en était un : il avait répondu de façon
équivoque et lu la confusion dans le regard de l'homme. Il l'avait égaré. Il
les avait tous égarés. Il avait obtenu des réponses par la ruse et la
tromperie. Je suis pourtant un prêtre, avait-il dit. Que devaient-ils en
conclure sinon qu'ils pouvaient lui faire confiance? Et à qui ces pauvres
diables pouvaient-ils se fier, sinon à un homme de Dieu ?
Un mouvement sur sa gauche attira son attention. Il
tourna les yeux et aperçut la petite silhouette de
Luang Aziz, déguisé sous sa robe de prêtre, qui grimpait
le sentier dans sa direction. Il examina tristement son église en ruine. Encore
une tempête comme la dernière, se dit-il, et il ne resterait plus rien. Il
frissonna. Peut-être même allait-il perdre ses nouveaux convertis.
Aziz arriva auprès du prêtre et reprit son souffle. Il
regarda soigneusement autour de lui. Voyant qu'ils étaient seuls, il ôta son
capuchon.
« La paix soit avec vous, dom Francisco.
— Et avec vous, mon fils, répondit le prêtre,
répondant au salut du musulman.
— Belle journée, n'est-ce pas? Vous vous reposez un
peu ? Repos bien mérité après les efforts que vous avez fournis. » Il souleva
devant lui un petit sac. « J'ai apporté
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