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Le faucon du siam

Le faucon du siam

Titel: Le faucon du siam Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Axel Aylwen
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dissiper l'ennui?
    Dans cet état de mélancolie, l'image de Chao Fa Noi ne
cessait de lui revenir à l'esprit. Devrait-elle une fois de plus renoncer à
toute prudence et courir le risque de livrer sa vie même aux mains de la
jalouse Yotatep? Son cerveau avait beau lui prodiguer des signaux d'alarme, son
corps réclamait avidement la chaleur d'un homme et elle brûlait d'envie de
constater l'effet de ses talents sur l'attitude du jeune homme.
    Un jour, elle prit un chemin différent dans les corridors
royaux.
    Le prince Chao Fa Noi était satisfait de la façon dont se
déroulaient les événements. Son frère aîné, le roi, avait maintenant approuvé
son mariage avec Yotatep, ce qui renforçait sérieusement ses prétentions au
trône. Son autre frère, Apai Tôt, même s'il était le premier dans la lignée
pouvant prétendre à la succession, s'adonnait de plus en plus à la boisson. On
le voyait maintenant fréquemment en compagnie de Sorasak, ce qui n'arrangeait
pas sa réputation. Les maux naturels que les dieux avaient infligés à Apai Tôt
s'étaient nettement aggravés depuis quelques semaines : une moitié de son
visage était maintenant agitée de spasmes qui l'obligeaient à fermer l'œil
gauche. Chaque fois qu'il se mettait en colère — et c'était souvent le cas —,
des filets de bave filtraient aux commissures de ses lèvres et ruisselaient de
façon répugnante sur son menton. Aucun médecin n'arrivait à trouver un remède à
ces convulsions : on estimait en général qu'il souffrait des excès d'une de ses
existences passées.
    Chao Fa Noi était ravi à l'idée de gouverner un jour ce
beau pays. Car, une fois qu'Apai Tôt serait complètement paralysé — comme le
prédisaient tous ceux qui étaient proches du trône, y compris l'astrologue en
chef Mahawallah —, il ne resterait pratiquement plus personne pour prétendre à
la couronne. En tant que femme, Yotatep ne pouvait pas monter sur le trône et
cette brute de Sorasak, même si le roi venait à le reconnaître, ne semblait
nourrir d'autre ambition que la satisfaction immédiate de ses désirs.
    Non, songeait le jeune prince avec satisfaction, le seul
autre prétendant au trône serait lui-même, en tant que mari de Yotatep. Il
sourit. Ma foi, il pourrait même accéder au trône sans le bain de sang qui
accompagnait traditionnellement le décès d'un monarque. Son frère, Naraï, n'y
avait pas échappé; quant à son prédécesseur, Prasat Tong, plus de trois mille
courtisans et nobles avaient trouvé la mort dans les massacres qui avaient
accompagné la lutte pour la succession.
    Chao Fa Noi était soulagé également de voir que le
général Petraja, le père officiel de Sorasak, qu'il avait tout d'abord suspecté
de nourrir aussi des ambitions royales, lui rendait maintenant ouvertement
hommage en tant qu'héritier présomptif. Le général l'avait sans doute compris :
si lui, Chao Fa Noi, était prêt à poursuivre la politique de son frère Naraï —
dont le jeune prince admirait beaucoup le sens brillant de la manœuvre et
l'assurance —, il différait du monarque actuel sur un point capital, cher au
cœur de Petraja. Il voulait réduire la façon dont son pays dépendait des Maures
et des farangs, et former un plus grand nombre de Siamois pour occuper des
postes au gouvernement. On n'emploierait de farangs que pour de courtes
périodes afin qu'ils transmettent leur savoir-faire avant d'être priés de
quitter le pays. On ne verrait plus, par exemple, de farangs employés au
ministère du Commerce.
    Plongé dans ses réflexions, le prince se dirigeait vers
ses appartements, situés dans la partie du palais juste au-dessous de ceux de
la reine princesse. Quels sages ancêtres avaient conçu pareilles architectures,
songeait-il, tout en grimpant les marches menant aux étages supérieurs. Il
était bon, en effet, que la royauté fût au pinacle et que tout fût conçu pour
vous le rappeler. Il se demandait combien de gens, hormis évidemment les femmes
à qui Sa Majesté avait fait partager sa couche, se rendaient compte que le roi
son frère était de très petite taille. Grâce à l'étiquette, on ne l'apercevait
jamais que dans des emplacements surélevés : sur le plus grand éléphant, du
haut d'un balcon s'adressant à ses mandarins prosternés, sur l'estrade
réhaussée de sa barque royale ou porté dans son trône sur les épaules des
esclaves. Nulle part dans l'enceinte du palais un homme n'avait le droit de
rester

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