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Le faucon du siam

Le faucon du siam

Titel: Le faucon du siam Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Axel Aylwen
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qui avaient attendu trop longtemps.
    Si seulement il pouvait rapprocher la jonque de la côte :
au moins pourraient-ils essayer de gagner le rivage à la nage. Étaient-ils à
cinquante, à cent mètres? Le navire ne s'était pas trop écarté de son cap. Avec
un peu d'aide, Phaulkon pourrait peut-être faire virer le vaisseau au moins de
quelques degrés à bâbord. Désespérément agrippé à la barre, il tendit le cou
pour voir où étaient les autres, mais les embruns lui piquaient les yeux. Puis
une énorme vague déferla sur la poupe, soulevant le navire dans les airs avant
de le précipiter dans le creux tourbillonnant. Il faillit lâcher prise. Il
appela à grands cris Ivatt et Burnaby, mais sa voix était sans doute noyée dans
le fracas de la tempête. Soudain il aperçut le grand Anglais qui émergeait de
l'escalier.
    « Tenez bon », hurla Phaulkon. Entre deux torrents d'eau
qui se déversaient sur le pont, il leva le bras pour faire signe à l'Anglais de
venir le rejoindre. Mohammed et le cuisinier, qui avaient les yeux fixés sur
lui, crurent qu'il leur faisait signe et, se fiant à la sagesse de ce marin,
ils se précipitèrent vers lui. Mais la mer déferla sur eux, les entraînant vers
le plat-bord. Mohammed fut précipité contre le solide bastingage de teck et ses
entrailles se répandirent sur le pont. Abdul, quant à lui, fut emporté sur la
crête d'une vague : cela lui permit de voir d'en haut le sort de son collègue
avant d'être irrésistiblement avalé par les eaux tourbillonnantes.
    Un instant pétrifié par le sort des Malais, Burnaby et
Ivatt se traînèrent tant bien que mal jusqu'à la barre et se précipitèrent vers
la main que leur tendait Phaulkon. « Aidez-moi à virer à bâbord, hurla-t-il.
Chaque degré compte. »
    Ils s'acharnèrent sur le gouvernail tandis que la mer
semblait redoubler de furie. Mais le navire virait lentement de bord alors que
chaque lame les poussait un peu plus près du rivage. Puis Burnaby lâcha prise
et la barre repartit en sens inverse. Phaulkon s'y cramponna tout en
s'efforçant avec Ivatt d'empêcher Burnabv de tomber à la mer.
    Le vaisseau avait de nouveau perdu son cap et embarquait
rapidement de l'eau. Phaulkon sentait le navire s'alourdir : il savait qu'en
quelques instants la mer l'engloutirait définitivement.
    Rien à faire, comprit-il, le cœur serré. Ils allaient
devoir quitter le navire — et sa cargaison — pour gagner la côte à la nage.
    « Il va falloir nager jusqu'à la rive, hurla-t-il dans le
rugissement des vagues. Je vais sauter le premier. Suivez-moi. Essayez de vous
laisser porter par la crête des vagues. Nous sommes à moins de cinquante
mètres. Thomas, vous savez nager?
    — Oui, encore que je ne sorte pas beaucoup par un temps
pareil », cria-t-il, souriant malgré tout.
    Si seulement Burnaby avait quinze ans de moins, songea
Phaulkon. Il arracha une planche à demi détachée du pont et la lança à son
aîné. « Vous aurez plus de chances avec ça, Richard. »
    Il jeta un dernier regard autour de lui et laissa passer
une vague gigantesque qui déferla sur toute la longueur du pont. Puis il
murmura une brève prière au Tout-Puissant, enjamba le bastingage et sauta dans
l'eau bouillonnante. Burnaby et Ivatt plongèrent après lui : l'instant d'après,
une énorme lame s'abattait sur le vaisseau blessé et le cassait en deux. Dans
le tonnerre fracassant de centaines de membrures qui se brisaient, la coque
céda. Les vagues s'acharnaient sur la jonque qui s'enfonçait peu à peu :
d'abord la proue, puis les mâts... Un moment, la poupe se dressa fièrement
au-dessus des remous puis elle céda à son tour et s'enfonça dans l'océan.
    Sans trop se rendre compte de ce qui se passait autour de
lui, Phaulkon fut emporté par une lame gigantesque et aspiré jusqu'à la crête.
Après les rafales glacées de la pluie de la mousson, la mer semblait tiède. Au
prix d'un immense effort, il parvint à se mettre à plat ventre et battit
frénétiquement des bras en direction de la côte. Si seulement il parvenait à
couvrir une distance suffisante avant d'être épuisé, se disait-il, le courant
serait peut-être moins fort à proximité du rivage.
    Il eut tôt fait de comprendre qu'un tel espoir était
insensé : la vague géante qui l'emportait se brisa dans un fracas
assourdissant, le projetant, impuissant, dans un déferlement d'écume. Ses
genoux heurtèrent son menton. Il eut l'impression qu'on 1 ecartelait. Une
fraction de

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