Le faucon du siam
plus pour les Anglais. Vous avez officiellement ma
démission. Je suis désormais un mandarin siamois. Vous disiez, Samuel, que nous
avons obtenu six fois la valeur estimée de la cargaison?
— Plus près de cinq, Constant, après avoir payé les
officiers et l'équipage du Comwall », répondit White.
Phaulkon sourit. « Sa Majesté devrait être contente : le
maximum qu'elle ait reçu des Maures, c'était cinquante pour cent, pas cinq
cents!
— Ne pourrions-nous pas en mettre un peu de côté
pour les mauvais jours ? suggéra Ivatt. Je veux dire : de toute façon, Sa
Majesté ne s'attend pas à une telle somme... ?
— Plus nous en donnerons maintenant, plus cela nous
rapportera par la suite, croyez-moi, assura Phaulkon. Notre objectif est de
contrôler le commerce du Siam avec la Perse et de l'enlever aux Maures. Nous
avons besoin du gouvernement siamois pour financer une flotte et ils ont besoin
de nous pour reprendre le commerce. Plus tôt nous remettrons sa part au Trésor,
mieux cela vaudra. Les coolies sont-ils toujours dehors?
— Ils attendent vos ordres, répondit White. Au fait,
ajouta-t-il doucement, je ne suis pas tellement pressé pour ma part de
retourner à Madras. Je me demandais si vous aviez quelque chose pour moi ici ?
— C'est précisément pour cette raison que je vous ai prié
de venir. D'ailleurs, je vous ai déjà confié votre première mission :
rassembler quelques hommes vaillants. » Il regarda autour de lui. Dès que
j'aurai obtenu une audience auprès de Sa Majesté, nous aurons, je l'espère,
beaucoup à discuter. Alors, messieurs, bienvenue à Ayuthia et toutes mes
félicitations. » Il se leva. « Je pars pour le ministère. Plus tôt ils
connaîtront les bénéfices, plus tôt je pourrai en faire à ma tête. »
Tel un pacha du désert, Phaulkon partit, ses quarante
coolies le suivant avec son bagage.
« Vichaiyen, nous sommes satisfait. Vous et vos hommes
avez bien travaillé. »
Tout autant que le plaisir visible, il y avait une nuance
de soulagement dans la voix du souverain. Prosterné, Phaulkon sentit que ce
n'était pas seulement les énormes profits qui causaient la satisfaction du roi,
mais le fait pour Sa Majesté de voir justifiés les sentiments qu'elle éprouvait
à l'égard de son protégé. Depuis quelque temps, Phaulkon avait l'impression
d'être mis à l'épreuve, comme un nouvel employé auquel on ne ferait pas encore
pleinement confiance : le retour du navire et l'accomplissement de toutes les
promesses de Phaulkon avaient fini par retourner la situation en sa faveur.
La vue des lingots d'argent avait fait merveille au
ministère et le premier assistant du Barcalon s'était précipité au palais dès
que le contenu des caisses avait été déballé et pesé. La convocation royale
était arrivée le soir même.
« Sans doute avez-vous quelque requête à nous faire. » Il
y avait dans le ton du souverain un soupçon de moquerie.
En l'absence du Barcalon, souffrant, Phaulkon se trouvait
pour la première fois seul avec Sa Majesté dans la salle d'audience. C'était un
honneur singulier et sans précédent pour un farang.
« Haut et Puissant Seigneur, moi, un cheveu, je crois
qu'après la gracieuse libération par Votre Majesté du criminel Potts les gens
de Madras vont user de représailles dès qu'ils auront entendu sa version de
l'histoire. Ils exigeront le retour à Madras de vos dévoués esclaves, Bumaby,
White et Ivatt, ainsi que de ce grain de poussière qui gît maintenant à vos
pieds.
— Et vous souhaitez demander notre protection ?
— En effet, Puissant Seigneur.
— Elle vous sera accordée. Les farangs que vous avez
cités nous ont bien servi. Toutefois, il ne nous semble pas qu'il soit très
politique d'attendre cette convocation de Madras avant de leur accorder notre
protection. Nous ne souhaitons pas paraître les assister seulement après avoir reçu une demande pour qu'ils retournent là-bas, au mépris de leur
souhait. Et ce n'est pas notre politique de nous faire d'une autre nation des
ennemis inutiles.
« Nous allons donc les employer sur-le-champ et les nommer
à des postes officiels dans notre administration ; il apparaîtra d'autant plus
difficile de les libérer quand on nous le demandera. M. Burnaby sera nommé
gouverneur de Mergui. M. White, Shahban-dar de Mergui, et M. Ivatt sera le
représentant de notre nation sur la côte occidentale de l'Inde. Voilà qui
constituera un début pour notre nouvelle politique
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