Le faucon du siam
commerciale dans le golfe du
Bengale. »
Sa Majesté s'interrompit pour laisser à Phaulkon le temps
de se remettre de sa surprise. Ses rêves devenaient soudain réalité! Il lui
fallut un moment avant de trouver ses mots.
« Puissant Seigneur, votre sagesse et votre générosité ne
connaissent pas de bornes. Les esclaves que vous avez mentionnés serviront le
Seigneur de la Vie avec le même dévouement que cet indigne esclave qui est
devant vous. Ils s'efforceront, comme je l'ai fait, de justifier la confiance
que vous leur avez témoignée.
— Et vous, Vichaiyen, vous assumerez toute la
responsabilité de leurs actions. Toute défaillance dans leur comportement sera
tenue pour une défaillance de votre part, toute erreur de jugement chez eux
sera tenue pour une erreur de votre part. Nous estimons convenable qu'un
mandarin de seconde classe assume ce surcroît de responsabilités. »
Une fois de plus Phaulkon resta sans voix. Mandarin de
seconde classe! Voilà qui lui assurerait une place permanente dans la grande
salle d'audience. Maintenant, seuls les trente plus puissants seigneurs du
royaume, les mandarins de première classe — membres du Conseil privé de Sa
Majesté et gouverneurs des provinces de Sa Majesté —, occuperaient un rang
supérieur au sien dans la hiérarchie. Cela permettrait aussi à son épouse
d'être admise au palais et de figurer à la cour de la princesse Yotatep, la
reine princesse. Quel honneur pour Maria, si jamais elle acceptait sa demande.
Et quel cadeau de mariage !
Il sentit une vague d'émotion l'envahir. Chaque fois
qu'il s'était distingué, Sa Majesté l'avait récompensé. Aujourd'hui, si
seulement il pouvait dénoncer et faire échec à l'invasion hollandaise, le mandarinat
de première classe était à sa portée. Il était décidé à remettre sur le tapis
le problème du traité au cours de cette audience. Quant à assumer la pleine
responsabilité des agissements de ses collègues, c'était un bien faible prix à
payer pour un tel prestige, et bien dans la tradition du Siam. Dans un système
de responsabilité collective, un père était responsable du comportement de ses
enfants et un mandarin responsable des actions de ses subordonnés. Il était
rare au Siam de voir un accusé fuir la justice quand sa famille tout entière
risquait d'être condamnée à sa place.
Ivatt, il en était convaincu, serait enchanté d'entrer au
service du Siam. White ne pouvait demander mieux que d'être Shahbandar,
c'est-à-dire maître du port de Mergui. Mais Burnaby... il ne savait pas très
bien comment le vieil homme allait réagir. Allait-il vraiment choisir de
retourner à Madras affronter la justice alors qu'on lui proposait le
gouvernement d'une province siamoise?
« Puissant Seigneur, moi, un grain de poussière sous la
plante de vos pieds, vous remercie du fond du cœur de votre magnanimité et me
permets de vous demander ce qu'il adviendra de l'actuel gouverneur et du
présent chef Shahbandar de Mergui.
— Ceux de nos sujets qui ne nous ont pas servi de façon
satisfaisante doivent être remplacés. Ils seront rappelés à Ayuthia pour
répondre de leurs crimes. Notre commerce avec l'Inde et la Perse, mené depuis
des temps immémoriaux à partir de nos provinces de l'ouest, était
traditionnellement aux mains des Maures et ils ont manqué à leurs devoirs. M.
Burnaby sera responsable de l'ordre dans la province de Mergui et de la
collecte de nos impôts. M. White veillera sur nos intérêts commerciaux dans le
golfe du Bengale. Ce sera la responsabilité du Shahbandar — et finalement la
vôtre, Vichaiyen — d'équiper ou de construire autant de navires que pourra en
exiger le volume des échanges commerciaux. Des capitaines et des officiers
farangs assureront le commandement de ces navires et l'on entraînera sous leurs
ordres des équipages siamois. Le recrutement de ces officiers et de ces
équipages sera une priorité. » Sa Majesté marqua un temps.
« Comme preuve supplémentaire de notre estime, Vichaiyen,
vous receviez de nous dix esclaves pour vous servir dans votre maison et vous
accompagner dans vos voyages. Puisqu'il s'agit d'un cadeau royal, ils resteront
avec vous pour la vie. »
Habile tactique, songea Phaulkon en comprenant soudain le
stratagème. Sunida avait dû informer le Palais du mariage imminent de Phaulkon
et de la position délicate dans laquelle elle se trouvait. Il n'était pas
inhabituel pour un mandarin de seconde classe de
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