Le faucon du siam
recevoir un tel cadeau du roi
quand il était nommé, et il serait extrêmement offensant pour le bénéficiaire
de congédier un des esclaves qu'on lui offrait pour la vie. Plus un mandarin
avait un rang élevé, plus grand devait être le nombre des esclaves qui
l'accompagnaient chaque fois qu'il quittait sa demeure. Ces esclaves
devaient-ils remplacer Sunida dans son rôle?
« Mais on me dit, Vichaiyen, que vous allez prendre une
première épouse, une catholique avons-nous cru comprendre ?
— Puissant Seigneur, s'il plaît à Votre Majesté.
— Cela semblerait assurément servir nos objectifs
politiques actuels, Vichaiyen, mais cela satisfait-il les besoins de votre âme
farang ?
— Puissant Seigneur, les besoins de mon âme ne sont
rien auprès des intérêts politiques du Siam.
— Sans doute, Vichaiyen. Mais l'intérêt du Siam sera
mieux servi si votre âme se trouve dans d'heureuses dispositions.
— Puissant Seigneur, dans ce cas, cet indigne
esclave doit une fois de plus implorer la faveur royale.
— Nous vous écoutons, Vichaiyen.
— Auguste Seigneur, une jeune concubine a pris mon
cœur. Son nom est Sunida. Ma future épouse catholique ne tolérera pas sa
présence à la maison.
— Vraiment ? » Sa Majesté semblait amusée.
« Puissant Seigneur, moi, la poussière sous vos pieds,
sollicite la faveur de loger Sunida au palais où elle sera en sûreté et où,
avec la gracieuse permission de Votre Majesté, je pourrai parfois lui rendre
visite.
— Vous savez, Vichaiyen, nous avons bien de la
chance de ne pas nous être converti à la religion chrétienne : sinon, nous
serions contraints aujourd'hui d'opposer un refus à votre requête. En fait, la
foi libérale de nos ancêtres nous permet d'accéder à votre désir avec la
conscience tranquille. » Sa Majesté eut un petit rire. « Cela ne veut pas dire
grand-chose, cette histoire de catholicisme, Vichaiyen, vous ne trouvez pas?
Regardez, par exemple, dans quelle situation vous êtes aujourd'hui.
— Puissant Seigneur, je ne suis qu'un pécheur.
— Ce serait notre cas à tous à votre place, répondit
Sa Majesté. Et les astrologues ont-ils choisi un joui-faste pour votre mariage
?
— Pas encore, Auguste Seigneur. Ma future épouse catholique
attend le départ de Sunida avant de consentir au mariage. »
Un éclat de rire retentit du balcon.
« Alors, Vichaiyen, nous ferions mieux de préparer sans
délai les appartements de Sunida au palais. En tant que mandarin de seconde
classe, vous serez tenu d'assister chaque jour à nos audiences. Nous pensons
qu'il pourrait être convenable pour vous d'arriver un peu en avance afin de
présenter d'abord vos respects à dame Sunida.
— Votre Majesté est trop aimable.
— Mais, Vichaiyen, nous sommes curieux de vous
entendre à propos d'un problème. Souhaiteriez-vous, quant à vous, nous voir
adopter la foi catholique ?
— Puissant Seigneur, moi, un grain de poussière, ne
souhaite que ce qui apportera le plus grand bonheur au Maître de la Vie.
— C'est-à-dire? insista Sa Majesté.
— Puissant Seigneur, ce qui satisfera au mieux les
exigences de l'âme siamoise de Votre Majesté. »
Sans que Phaulkon pût le voir, le roi souriait. Ce
Vichaiyen était vraiment un parfait diplomate : un précieux instrument pour ses
rapports avec les farangs en une époque difficile où les forces extérieures
constituaient une grave menace pour la survie de sa patrie. Chose incroyable,
il sentait également que la loyauté de Vichaiyen n'allait pas du côté de ces
farangs. Au début, il n'en était pas convaincu, mais aujourd'hui ses doutes
s'étaient dissipés, depuis le retour de l'expédition en Perse et l'arrivée
presque simultanée du courrier royal en provenance de Nak-hon si Thammarat. Le
gouverneur de la province avait inteiTogé sous serment Pieter l'interprète, et
le jeune homme avait confirmé le récit qu'il avait fait à Vichaiyen de
l'imminente invasion hollandaise. C'était donc vrai. L'affaire était urgente et
exigeait des mesures immédiates...
« Vichaiyen, nous avons examiné votre projet de traité,
et nous en avons approuvé la plupart des clauses. Mais nous désirons une
réduction de l'effectif des troupes à échanger avec la France : il faut le
ramener d'un millier à quatre cents hommes. Nous tenons à ce que les soldats
français apparaissent comme un symbole de l'estime du roi Louis, et non pas
comme une armée d'occupation.
— Auguste
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