Le feu de satan
mais tout le monde se connaît. Les templiers n’ont pas dû passer inaperçus. J’aimerais que vous établissiez leurs faits et gestes de ce jour-là.
Claverley siffla doucement.
— Et par où dois-je commencer ?
Corbett désigna la salle avec un sourire.
— Par les taverniers et autres aubergistes. Le moindre renseignement me sera précieux.
Le shérif adjoint vida son gobelet et prit congé de Corbett en promettant de se rendre en personne à Framlingham dès qu’il trouverait quelque chose. Puis il alla échanger quelques mots avec l’aubergiste, debout derrière les tonneaux qui lui tenaient lieu de comptoir. Corbett vit le tavernier acquiescer. Claverley leva la main en criant que tout irait bien, puis il gagna la rue.
— Je suis recru, avoua Corbett. Ranulf, Maltote, faites ce que vous voulez pourvu que vous soyez de retour dans moins d’une heure.
Plantant là ses serviteurs qui grommelaient contre leur « Maître Longue Figure », il suivit l’aubergiste au premier étage dans ce que ce dernier nommait pompeusement « sa chambre pour hôtes de marque ». Elle ne comptait que deux lits, mais le tavernier lui promit d’en installer un troisième. Le magistrat s’étendit sur sa couche pendant que les servantes apportaient paillasse, oreillers propres, pichets d’eau fraîche, ainsi que du pain et du vin sur un plateau. Cette fois-ci, il ne pensa pas à son manoir de Leighton, ni à Maeve, mais essaya de mettre de l’ordre dans ses idées. Il entendit soudain du bruit dans le couloir. Ranulf et Maltote firent irruption dans la chambre.
— Pour l'amour de Dieu, qu’y a-t-il encore ? gémit-il en bondissant à bas du lit.
Arborant un air innocent, Ranulf approcha un escabeau en face de son maître.
— Cette vieille vous a glacé les sangs, hein, Messire ?
— Non, Ranulf. J’étais déjà mort de peur.
Il désigna son écritoire et ses plumes sur la table.
— Pense à tous les assassins que nous avons pourchassés : ils étaient toujours poussés au crime par certains motifs – cupidité, concupiscence, trahison. Il y avait une logique, car le meurtrier voulait se débarrasser de ceux qui le gênaient ou qui pouvaient avoir deviné son identité. Mais cette affaire est différente : l’assassin tue sans raison.
— Mais vous avez affirmé que les templiers étaient divisés et qu’ils voulaient se venger du roi.
— En ce cas, pourquoi supprimer Reverchien ? Pourquoi m’attaquer ? Et, Christ miséricordieux, quelle menace représentait ce pauvre Peterkin ? Sans compter qu’il ne semble y avoir aucun lien entre les trois faits. Bon, admettons ! poursuivit-il. Si le roi est blessé ou tué, ou si son principal juriste tombe sous les coups d’un assassin, cela se comprend, d’une certaine manière. Mais Reverchien et Peterkin ?
— Peut-être étaient-ils au courant de quelque chose ? suggéra Ranulf.
— Possible. Et puis, venons-en à la deuxième question : Comment ? Comment expliquer la rapidité avec laquelle Murston a trouvé la mort, après avoir probablement tiré deux carreaux d’arbalète sur le roi ? Comment naissent ces brasiers ? Reverchien a péri au centre d’un labyrinthe à l’aube d’une journée de printemps. Peterkin, lui, a disparu dans les flammes, au milieu d’une cuisine bondée.
Il s’arrêta en se mordillant la lèvre.
— Et qu’avons-nous appris ? Que l’ordre des Templiers est démoralisé, partagé entre factions, peut-être. Je suis sûr que c’est la raison de la présence de Jacques de Molay en Angleterre. Les attaques contre Philippe de France et contre notre souverain peuvent avoir été commanditées par l’une de ces factions. Et puis, il y a ces menaces de mort envoyées par cette étrange secte des Assassins. Les templiers s’entourent d’un certain mystère, ce qui explique l’existence de ces salles secrètes à Framlingham. Nous savons que Murston était dévoré par la rancoeur et l’esprit de vengeance, et cependant, il doit avoir reçu ses ordres de quelqu’un d’autre.
Corbett observa une pause.
— Le criminel, reprit-il au bout d’un moment, utilise une sorte de feu inconnu. Il s’y entraînait sous les futaies bordant la route d’York, et ce pauvre colporteur a payé cher sa curiosité. Nous pensons que c’est un commandeur, mais si tous les templiers sont confinés à Framlingham et les portes d’York si sévèrement gardées, qui a attaché le message au cadavre de
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