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Le Gerfaut

Le Gerfaut

Titel: Le Gerfaut Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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infiniment plus réelle que l’indignation de sa victime. Rajeunie de dix ans du coup, celle-ci se précipita dans sa resserre dans un grand envol de jupons pour en tirer ses meilleures confitures.
    Assis à la table, les deux coudes posés dessus, Tim considéra son ami avec admiration.
    — Ça vous crée parfois de sérieux ennuis de plaire aux femmes mais il faut avouer qu’il y a des moments où c’est bougrement utile !…
    L’auberge n’avait pas d’autres voyageurs ce soir-là. Le souper que présida gracieusement Mrs Sullivan fut des plus gais. On entendit la fin de l’histoire du héros de Monmouth Courthouse et de sa tendre moitié, Gilles parla de sa Bretagne et Tim de son voyage à Paris et, pour finir, on porta des toasts à la santé du général Washington avec le meilleur bourbon de feu Sullivan. Enfin aux approches de neuf heures du soir, on se prépara au départ.
    Tandis que les deux garçons vérifiaient leurs armes, Mrs Sullivan, qui avait disparu, revint portant une veste sans manches en gros drap doublé de peau de mouton qu’elle posa tout à coup sur les épaules de Gilles.
    — Elle appartenait à feu mon mari, dit-elle avec un sourire un peu humide. Il n’en a plus besoin, le pauvre, et vous, vous n’avez pas grand-chose sur le dos…
    — Vous êtes la meilleure des femmes, Mrs Sullivan, fit Gilles, ému. Je reviendrai vous voir avec joie.
    Il l’embrassa de nouveau, comme il eût embrassé Rozenn ou sa mère en admettant que celle-ci l’eût permis. Puis après que Tim eut serré vigoureusement les mains de leur hôtesse, les deux garçons s’enfoncèrent dans la nuit jusqu’au petit hangar à bateau qu’on leur avait indiqué.
    Cinq minutes plus tard, tous deux ramaient en direction de l’autre rive où, dans la nuit, brillaient quelques lumières.
    Le courant était fort mais le temps s’était radouci et les deux amis tiraient avec tant de cœur sur leurs avirons qu’ils mirent fort peu de temps à atteindre l’autre rive du fleuve.
    — Reste à trouver le maréchal-ferrant ! conclut Tim en sautant sur un petit appontement.
    Le jour levant les trouva au gué de la Crotton River. L’accueil du fils Sullivan, réveillé en pleine nuit, avait été à la hauteur de celui de sa mère. Il leur offrit les chevaux annoncés, quelques heures de repos plus un précieux renseignement : deux cavaliers étaient bien arrivés, à la tombée de la nuit, chez Pendleton. Et maintenant, campés sur leurs chevaux, derrière un léger rideau d’arbres, Gilles et Tim surveillaient les pieux plantés dans la rivière pour y tracer le passage. Eux-mêmes venaient de la franchir sans difficulté.
    L’attente ne fut pas longue. Un couple de martins-pêcheurs érafla la surface de l’eau et piqua vers le ciel au moment précis où un cavalier s’engageait tranquillement dans le gué. Les yeux perçants de Gilles le reconnurent instantanément, c’était l’Anglais.
    — Le voilà… mais il est seul, murmura-t-il. C’est étrange…
    — Pas tellement. Les lignes anglaises ne sont plus très loin. Smith doit penser qu’il n’y a plus rien à craindre et il est rentré chez lui.
    L’officier semblait en effet parfaitement paisible. Guidant son cheval d’une main nonchalante tandis que l’autre restait inerte à son côté, il contemplait avec un demi-sourire le paysage vert, frais lavé par les grandes pluies de la veille. C’était un beau matin calme où la guerre ne semblait pas pouvoir prendre place et, visiblement, ce garçon-là était à cent lieues de s’imaginer en danger.
    — Allons-y ! fit Gilles quand l’Anglais retrouva la terre ferme. Pistolet au poing, il quitta le rideau d’arbres suivi de Tim et barra le chemin au voyageur que, faute de chapeau, il salua d’un signe de tête.
    — Monsieur, dit-il avec une grande politesse, veuillez vous considérer comme notre prisonnier et nous remettre les papiers que vous tenez du général Arnold !
    S’il fut surpris, le jeune officier n’en montra rien.
    — Qui êtes-vous, monsieur ? demanda-t-il avec douceur.
    — Bien que nos costumes ne l’indiquent guère, nous appartenons à l’armée des États-Unis.
    — Votre accent n’est pas américain…
    — Je suis soldat du roi de France mais vous devriez savoir qu’à cette heure cela revient au même. Allons, monsieur, ces papiers ! Nous savons exactement ce que vous êtes allé faire dans la maison de Josué Smith.
    Le sourire de

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