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Le Gerfaut

Le Gerfaut

Titel: Le Gerfaut Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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pour reprendre son chemin de la veille en direction de Kings Ferry et West Point. C’était lui qui emportait la preuve de la trahison d’Arnold. Il emportait aussi une lettre que le major André avait demandé que l’on voulût bien faire tenir au général Washington. Dans cette lettre, il reconnaissait courageusement les faits qui lui étaient reprochés et ajoutait :
     
    Bien que malheureux, je n’ai rien de déshonorant à me reprocher. Je n’ai pas eu d’autre but que le service de mon Roi. C’est volontairement que j’ai été un imposteur. Je vous demande l’autorisation d’écrire une lettre ouverte à sir Henry Clinton et une autre à l’un de mes amis pour lui demander des vêtements et du linge. Je prends la liberté de vous rappeler la situation de plusieurs personnes qui, à Charleston, prisonnières sur parole, se sont engagées dans un complot contre nous. Peut-être pourrait-on les échanger contre moi. Ce n’est pas moins ma confiance dans votre générosité que ma déférence pour votre haute situation qui m’engagent à vous importuner ainsi. Je suis, etc.
     
    En remettant cette lettre au jeune Breton, le prisonnier avait tenu à ce qu’il la lût.
    — Puisque vous avez la confiance du Général, peut-être pourrez-vous, monsieur, dire ce que vous savez de cette malheureuse affaire et…
    — Plaider la cause d’un honnête homme ? Comptez sur moi, Major. Je ne vous promets pas de réussir mais je ferai tout ce qu’il me sera possible pour que vous ne portiez pas le poids du crime d’un autre.
    Couché sur l’encolure de son cheval lancé ventre à terre, Gilles se sentait des ailes. Il y avait longtemps qu’il n’avait éprouvé un tel contentement intime : lui et Tim avaient réussi, contre vents et marées, à barrer le chemin de la trahison, les Insurgents étaient sauvés ; en outre il allait rejoindre l’homme qu’il admirait le plus au monde. Enfin, il avait l’espoir de sauver la vie de ce jeune Anglais pris au piège de la bassesse et menacé du plus avilissant des supplices. L’idée de voir André au bout d’une corde lui était pénible. C’était à la fois un non-sens, une injustice et une faute de goût. Enfin, il se retrouvait, pour la première fois depuis longtemps, sous l’uniforme car, pour lui faciliter la route et l’approche du généralissime, Talmadge lui avait donné une tenue complète de cavalier. Un frisson de joie lui avait couru le long de l’échine en enfilant la culotte blanche, les bottes et l’habit noir à boutons dorés, que portaient tous les soldats du Congrès, du dernier engagé à Washington lui-même, et en plantant sur sa tête le tricorne à cocarde noire c’était comme si, à travers ces quelques mètres d’étoffe et de cuir, il avait reçu une sorte de baptême de cet immense pays auquel chaque instant l’attachait un peu plus. Que vînt la victoire et qu’il réussît à se hisser jusqu’aux épaulettes d’officier et il pourrait aller hardiment frapper à la porte du couvent d’Hennebont pour en arracher Judith et la ramener en Amérique afin d’y fonder avec elle une dynastie nouvelle…
    La pensée de Judith venait de lui revenir tout naturellement. C’était peut-être l’ardeur de cette chevauchée dans le vent où s’attardait le goût salé de la mer proche qui avait arraché l’image de la jeune fille des brumes douces au fond desquelles il avait caché son souvenir, ou bien l’espoir du sort plus digne qui commençait à prendre forme à son horizon mais Gilles retrouvait intact son amour pour elle, son besoin profond de l’atteindre, de la faire sienne pour toujours. Le désir violent que lui avait inspiré Sitapanoki s’était effacé dès qu’il s’était éloigné de l’Indienne. Elle l’attirait comme l’aimant fait de la limaille de fer mais son souvenir ne résistait pas à la distance. Et maintenant, il était heureux d’une séparation qu’il n’avait imaginée cruelle qu’un instant, Dieu sait à quelles sottises aurait pu le pousser l’envie impérieuse qu’il avait eue de son corps !…
    « Elle aurait fait de toi un imbécile, mon ami, soliloquait-il tout en éperonnant son cheval. Et c’est un mot qu’on ne peut pas faire rimer avec Tournemine.
    Il était un peu plus d’une heure après midi quand le messager arriva en vue de West Point. Il s’accorda un instant pour en examiner les abords et aussi pour contempler, béat d’admiration, ce que La Fayette

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