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Le Gerfaut

Le Gerfaut

Titel: Le Gerfaut Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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prodigieux manque d’enthousiasme. Avec un grand sens pratique, mais une certaine absence de psychologie, le général Washington, se souvenant des fonctions occupées naguère par son nouvel officier auprès de Rochambeau, l’avait prié de remettre de l’ordre dans les registres administratifs de son groupe d’armée et de recenser les réserves bien maigres hélas ! dont on pourrait disposer cet hiver. Ce travail de bureaucrate déplaisait prodigieusement au jeune homme dont l’œil revint bien souvent se fixer sur la pendule de la cheminée tandis que, la plume en l’air et l’esprit ailleurs, il survolait en pensée des perspectives qui n’avaient pas grand-chose à voir avec les gallons de bière et les sacs de farine.
    Il ne sortit réellement de sa voluptueuse rêverie que pour faire à son ami Tim des adieux distraits. Le coureur des forêts repartait pour New-Port, chargé par Washington d’une mission auprès des chefs français et très heureux au fond d’aller offrir ses hommages à Miss Martha Carpenter qu’il se reprochait d’avoir quelque peu négligée dans les derniers temps. Et le dernier coup de neuf heures le retrouva dans les cornouillers, franchissant la haie, un œil fixé sur la fenêtre rose derrière laquelle sa maîtresse l’attendait. La porte n’était pas refermée qu’elle était dans ses bras… et tout recommença.
    Les nuits suivantes furent aussi folles et aussi brûlantes. Sitapanoki aimait l’amour. Elle en savait tous les détours, tous les raffinements dont bien souvent elle avait constaté la puissance sur un époux cependant sage et plein de raison. Avec ce magnifique garçon, jeune et ardent, elle atteignait au sublime. Entre des instants de sommeil qui ne les séparaient d’ailleurs pas, les deux amants s’aimaient avec une ardeur qui ne faisait que grandir chaque nuit leur mutuelle passion.
    L’Indienne n’avait plus proposé à Gilles de fuir avec elle et même, quand il avait voulu remettre le sujet sur les draps ravagés de leur lit, elle lui avait fermé la bouche d’un long baiser.
    — Laisse ! tout s’arrangera… nous trouverons un moyen…
    Mais, peu à peu, elle l’enfermait dans l’invisible filet de ses caresses. Sa beauté, encore magnifiée par la passion, devenait lentement une redoutable drogue dont le jeune homme se montrait de plus en plus avide. Sitapanoki savait se montrer tour à tour ardente, dominatrice ou soumise jusqu’à la prosternation, superbe panthère sombre ronronnante et domptée qui s’étirait dans ses bras avec des gémissements heureux. Et chaque aube qui revenait rendait la séparation plus difficile et le jeune homme plus sombre. La petite chambre devenait pour lui un univers clos, divinement paradisiaque où régnait dans sa glorieuse nudité la belle Indienne, à la fois Ève et serpent, la belle Indienne qui s’était juré de l’avoir tout entier à elle et pour toujours.
    Elle comprit que la victoire était acquise quand, un matin, à l’instant des derniers baisers il l’étreignit avec plus de passion encore que de coutume. Il l’avait aimée toute la nuit avec une sorte de fureur désespérée sans qu’elle réussît à lui arracher une explication. Mais, au moment de la quitter, il murmura les lèvres contre son cou :
    — Le Général a décidé ton départ, Sita. Dans trois jours tu dois rejoindre le camp de ton époux.
    Elle tressaillit, se raidit.
    — Trois jours ? fit-elle d’une toute petite voix douloureuse. Seulement trois jours ?
    Mais il la serra plus fort comme s’il cherchait à l’incruster en lui.
    — Oui… mais, la nuit prochaine, je viendrai te chercher ! Nous fuirons tous les deux… où tu voudras… vers le grand lac dont tu m’as parlé.
    C’était si soudain, si inattendu qu’elle en fut presque effrayée. Doucement, elle le repoussa, scrutant avec inquiétude son visage creusé par la fatigue et l’angoisse.
    — Tu veux… véritablement m’emmener ? Abandonner toute ta vie ?
    — Ma vie, c’est toi ! Chaque heure qui passe m’attache davantage à toi. Je t’aime, Sita, je t’aime comme un fou. Je ne peux pas rester là, à gratter du papier interminablement tandis que tu vas t’éloigner pour toujours. Tu ne peux pas savoir à quel point je t’aime !
    — Moi aussi je t’aime, dit-elle gravement. Je ne croyais pas en venir à t’aimer autant. Tu me plaisais et j’avais envie de toi mais maintenant je ne peux même plus imaginer la vie

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