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Le Gerfaut

Le Gerfaut

Titel: Le Gerfaut Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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lui, il jeta autour de lui un regard bourré de circonspection comme s’il s’attendait à voir fleurir subitement tous les espions du Lieutenant de Police et chuchota enfin :
    — Il se nomme M. Donatien Le Ray de Chaumont ! Cela vous satisfait-il ? Mais dépêchez-vous d’oublier ce nom pour que la honte de mon indiscrétion s’efface. Et maintenant que nous sommes d’accord, prenons nos dispositions : embarquement à la marée de demain soir…
    Gilles tressaillit et s’écarta.
    — Demain ? Mais c’est impossible !
    — Et pourquoi ça… impossible ?
    — Mais parce que c’est beaucoup trop tôt ! Enfin, Jean-Pierre, dis-le-lui ! Nous n’avons pas l’intention de disparaître de Vannes comme des malfaiteurs. Laissez-nous au moins le temps de nous assurer que nos familles refuseraient absolument de nous laisser changer d’orientation.
    — Pour moi c’est déjà fait ! fit Jean-Pierre, sombrement. Si je refuse d’être tabellion, mon père me déshérite. Et si je ne m’embarque pas tout de suite, il m’enverra la maréchaussée aux fesses ! Je partirai demain !
    — Eh bien pas moi ! Tu ne m’as pas dit que nous serions obligés de couper les ponts si vite. Souviens-toi ! Ce matin seulement tu parlais d’embarquer sur le Saint-Nicolas quand il reprendrait la mer !
    — Ce matin encore j’ignorais que tu avais les mêmes idées que moi. Et j’avais le droit de me méfier. J’avais raison aussi… puisque tu as peur.
    Gilles se leva si brusquement que la table bascula. Ses yeux lançaient des éclairs et ses traits avaient pris la dureté de la pierre.
    — Ne redis jamais une chose pareille ! fit-il, car sur mon âme, je ne le tolérerai de qui que ce soit. Je n’ai pas peur et tu le sais. Simplement, je ne veux pas briser le cœur de ma mère sans être certain qu’elle ne me laissera pas le choix. Je demande seulement quelques jours pour m’en assurer. Si tu m’avais averti que tu songeais à un départ immédiat, je te l’aurais dit !
    Jean-Pierre, qui s’était levé lui aussi, perdit graduellement la couleur pourpre qui l’avait envahi. Il esquissa même un sourire.
    — C’est juste ! Pardonne-moi ! Le mal vient de ce qu’on ne se connaît pas assez encore. Eh bien, attendons quelques jours !
    Le Nantais qui avait suivi la conversation avec plus d’intérêt qu’il ne le montrait eut un claquement de langue mécontent.
    — Attendre, attendre ! Comme vous y allez ! Le bateau prendra la mer bientôt. Quant au prochain départ, je ne sais quand il aura lieu. Je veux bien t’accorder quelques jours, garçon, mais si ton camarade est prêt, il vaudrait mieux qu’il parte dès maintenant. Au fond, il t’attendra aussi bien à Nantes et pourra même veiller à ce que l’on te garde ta place… D’ailleurs, je ne pensais pas que vous seriez deux.
    Gilles et Jean-Pierre se regardèrent, visiblement indécis. Dans les yeux du second il y avait une impatience, une hâte si visible que le premier sentit quel sacrifice représenterait l’attente. Il sourit à son tour.
    — Il a raison ! Pars le premier. De toute façon, je te rejoindrai et il est inutile de perdre son temps à deux.
    — C’est vrai ? Tu ne m’en voudras pas ?
    — Absolument pas. Nous ne sommes pas tout à fait dans la même situation. Pars sans crainte.
    — Merci ! Dans ce cas, M’sieur, dites-moi ce que je dois faire, ajouta-t-il en se tournant vers le Nantais. Mais celui-ci hocha la tête.
    — Je vais te le dire. Seulement, dans ces conditions, il faut que ton camarade s’en aille car on ne sait jamais et un mot imprudent est vite prononcé ! N’y vois pas offense, mon garçon, mais simple prudence. Quand tu seras décidé, tu reviendras ici me voir et je t’indiquerai ce que tu devras faire à ton tour… D’accord ?
    — D’accord ! Je m’en vais ! La bonne nuit à toi, Jean-Pierre, on se reverra demain. Et que Dieu te garde !
    — Dieu te garde, Gilles Goëlo ! À demain…
    Laissant son camarade à la table du Nantais, Gilles quitta l’ Hermine Rouge sans se retourner et avec un bizarre sentiment de soulagement. Après les lourdes odeurs d’alcool, le froid vif du dehors lui parut délicieux. Il aspira deux ou trois fois l’air marin où s’attardait une odeur d’algues et de poisson, avec une sorte de volupté. Mais, comme il ne faisait pas chaud, il se mit à courir le long du port afin de regagner la rue Saint-Gwenael.
    Il allait

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