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Le Gerfaut

Le Gerfaut

Titel: Le Gerfaut Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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le monde entier qui savait enchaîner la foudre ; les Bretons en avaient conclu qu’il était un peu sorcier. L’ancienne forêt de Brocéliande était trop voisine pour que le souvenir de l’enchanteur Merlin ne fût pas toujours prêt à reparaître.
    On disait enfin, avec une indulgence agacée, qu’un jeune officier auvergnat de l’entourage royal, aussi grand fou que grand seigneur, avait frété un navire malgré le Roi, alors peu décidé à en découdre avec l’Angleterre, et s’en était allé combattre pour la liberté américaine, qu’il en était revenu en mauvais état mais suffisamment vigoureux encore pour supplier Louis XVI de voler au secours des Insurgents. Et, ces derniers temps, les bruits courant autour des casernes soufflaient que le Roi allait peut-être répondre à l’attente du Congrès américain en lui envoyant enfin l’or et les hommes dont il avait si grand besoin.
    Toutes ces rumeurs enfiévraient les jeunes têtes de Saint-Yves. Il y avait surtout ces mots, si nouveaux et si exaltants, de liberté et d’indépendance. Gilles, pour sa part, en regagnant Vannes avec un cœur plein d’amertume, les avait reçus comme une eau fraîche après une journée de chaleur torride. L’aventure de ce La Fayette ; il en rêvait et, hormis Judith, il n’existait pas au monde d’être humain qu’il souhaitât plus ardemment approcher que cet homme-là. Aussi trouva-t-il le Nantais passionnant dès l’instant où Jean-Pierre eut prononcé les mots magiques : Amérique et Insurgents.
    — Dieu que ces jeunes gens sont pressés ! soupira le Nantais en vidant son gobelet d’un seul coup. J’allais y venir. Mais d’abord comment t’appelles-tu, toi, le nouveau ?
    — Gilles Goëlo !
    — Eh bien ! sache, mon garçon, qu’il existe, à Nantes, des hommes qui croient à la libération des Américains et qui sont décidés à tout pour les y aider. Le plus important d’entre eux est un seigneur puissamment riche, grand armateur nantais, maître des Eaux et Forêts de France, possesseur d’un château royal, ami personnel de ce Monsieur Franklin qui, à Paris, habite son superbe hôtel… et il est mon maître ! ajouta-t-il avec un orgueil qui laissait entendre qu’au fond, parmi tous ces titres impressionnants, c’était encore le dernier qui était le plus important. Ce seigneur, qui a voué une grande partie de sa fortune à celle des Insurgents, arme actuellement, dans le port de Nantes, le plus grand de ses navires à destination de Boston. Tous les jeunes gens de cœur qui souhaitent se dévouer à une noble cause tout en courant l’aventure et en posant les jalons de leur fortune peuvent y trouver place. Et j’ai été spécialement chargé de choisir, dans la région, ceux qui me paraissent les plus dignes d’un si grand destin… Voulez-vous en être ?
    — Je ne désire rien de mieux, répondit Gilles, mais pourquoi vous tenez-vous dans cette taverne où, entre nous soit dit, les gens convenables sont rares ? Vous avez l’air de vous cacher ! Que n’allez-vous au Chapeau Rouge, ou au Dauphin Couronné et ne faites-vous proclamer par les crieurs publics l’offre de votre maître ? Au fait, comment s’appelle-t-il ? Je ne me souviens pas de vous avoir entendu prononcer son nom.
    — C’est que justement il n’est pas fait pour être prononcé dans un pareil lieu, répliqua sévèrement le Nantais. Quant à votre objection, mon jeune ami, elle prouve que vous êtes à la fois observateur et intelligent mais peu au fait des choses de la politique. Avez-vous vu, jusqu’à ce jour, notre Roi bien-aimé envoyer des troupes aux Insurgents ? Je ne parle pas de ce Monsieur de La Fayette qui était parti tout seul mais de troupes véritables, avec des canons et des généraux ?
    — Non. Mais il se pourrait…
    — Voilà où le bât blesse ! Il se pourrait… mais il ne se peut pas encore ! Et mon maître risque tout bonnement de déplaire à Sa Majesté en prenant sous son bonnet d’envoyer personnellement du secours à ces bonnes gens. Il y risque son crédit et une foule d’autres choses qui exigent le secret. Avez-vous compris ?
    Gilles hocha la tête.
    — Je crois… oui ! Pourtant, j’aimerais tout de même savoir comment se nomme cet homme miraculeux, même si c’est un sacrilège de prononcer son nom ici.
    Le Nantais poussa un soupir déjà résigné. Puis, passant un bras autour du cou de chacun des garçons pour les pencher vers

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