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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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cabale qui ne demandait
qu’à s’agrandir. Ils prirent langue avec Gaston qui, toujours partant pour tous
les complots, accepta joyeusement de s’engager dans celui-là.
    — Pourquoi, Monsieur, « joyeusement » ?
    — Parce que l’affaire pouvait être un échec pour son
aîné, et à lui-même pourrait rapporter pécunes.
    — Mais en cas d’échec ?
    — En cas d’échec, étant le frère du roi, il ne risquait
rien de rien : ni le billot, ni la Bastille, ni l’exil.
    « Revenons à nos conjurés. Ils caressèrent tour à tour
deux projets : le premier était d’assassiner Richelieu, mais le cardinal était
fort vigilant et fort bien gardé. En outre, il était prêtre, et tuer un prêtre
vous exposait à une excommunication papale, ce qui donnait fort à penser et
fort à craindre à nos bons catholiques.
    « Ce projet fut discuté, par une coïncidence curieuse, à
Amiens, et abandonné sur le chemin d’Arras qu’on allait assiéger. Je me permets
de vous rappeler, chère belle lectrice, qu’en 1636, Soissons et Gaston
conçurent le même projet d’assassiner Richelieu, dans la même ville, et y
renoncèrent au dernier moment par peur des représailles royales.
    « Nos nouveaux conjurés, ayant médité sur cet échec,
décidèrent que la seule façon d’éliminer Richelieu était de fomenter une guerre
civile avec l’aide des troupes et des pécunes que l’Espagne était la seule à
pouvoir et vouloir fournir.
    — Mais, Monsieur, n’était-ce pas là trahir la
patrie ?
    — M’amie, le mot « patrie » alors ne touchait
pas les Grands. Propriétaires de fiefs, ils ne se sentaient pas inférieurs au
roi, et bien qu’ils lui eussent juré fidélité au moment du sacre, ils ne se
sentaient pas tenus à l’obéissance, et à l’occasion rompaient tous leurs vœux,
s’enfermaient dans leurs nids crénelés, et défiaient la puissance royale. Si
j’en crois mes remembrances, ils n’avaient jamais été si libres ni si heureux
que sous la régence de la reine-mère. Pour un oui, pour un non, ils quittaient
la Cour en affichant des intentions hostiles, et la reine-mère, dans son
insigne faiblesse, courait après eux avec des boursicots de pécunes pour les
ramener. Avec Louis XIII et Richelieu, tout changea. Comme vous savez, les
Grands furent mis au pas, on leur rogna les défenses de leurs châteaux, et on
leur imposa d’être présents à la Cour dès que le roi le désirait. D’ailleurs,
ils ne pouvaient quitter la Cour sans l’autorisation du roi.
    — Cependant, Monsieur, fronder le roi, le bouder, se
retirer de la Cour, n’est-ce pas aussi ignominieux que de signer, en pleine
guerre, un traité secret avec ses pires ennemis ?
    — Ce traité, m’amie, n’est pas seulement ignominieux.
Il est stupide, et je voudrais vous dire pourquoi.
    — Pardonnez-moi, avant que vous me l’expliquiez, je
voudrais savoir si la reine l’approuvait.
    — Oh, sa position fut très nuancée. Elle l’approuvait,
mais noulut entrer dans la conspiration, ni que son nom y fut prononcé.
    — Elle était donc pour la troisième fois traîtreuse à
son roi, mais pour le coup, avec quelque prudence.
    — M’amie, je vous félicite de votre mémoire.
    — Mais permettez-moi une question. Monsieur, pourquoi
faites-vous tant de compliments au gentil sesso  ?
    — Madame, mon instinct m’y porte et je ne pense pas que
je doive vous en rendre compte. Gaston confia le soin de traiter avec l’Espagne
contre Richelieu à Fontrailles.
    — Le bossu que Richelieu avait moqué ?
    — Celui-là même. Et parmi tous les conjurés, c’était le
plus discret et le plus actif. Il franchit les Pyrénées par le col de la vallée
d’Aspe et de là il gagna Huesca, puis Saragosse, et atteignit enfin Madrid où
il fut reçu sans difficulté aucune par le comte-duc Olivarès, premier ministre
de Philippe IV, pour qui ce traité proposé par Fontrailles, au nom de
Gaston, fût une aubaine inespérée.
    — Monsieur, je suis tout ouïe et toute appréhension,
car je crains que la teneur de ce traité, conclu à l’insu de Louis et du
cardinal, ne me tabuste fort.
    — En effet. Le début est pourtant tout à fait
rassurant, le voici. On n’entreprendra rien contre les États du roi
très-chrétien ni contre les droits et autorités de la reine très-chrétienne.
Et, de part et d’autre, on restituera les villes conquises.
    — Voilà qui va bien.
    — En effet, mais voici qui va

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