Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
temps.
    — Monsieur, c’est aussi un très grand honneur. Car il y
a beaucoup de gentilshommes à la Cour de France qui parlent l’espagnol, mais
aucun ne possède en même temps vos talents de diplomate. Et c’est bien pour
cela qu’on vous a choisi. Quant à trouver un professeur capable de vous
enseigner la langue en si peu de temps, ne cherchez pas plus avant, ce sera
moi, qui parle le plus pur castillan.
    — Mon ange, comment vous remercier ? dis-je.
    — M’ami, cet « ange » n’est guère approprié au
prédicament qui présentement est le nôtre. Et ne croyez pas non plus que vous
aurez trop peu de temps pour étudier sous ma férule. L’expédition dans le
Roussillon n’est pas pour demain.
    — Et pourquoi ?
    — Cinq-Mars a quitté le roi, et dans sa folie il tâche
de rameuter une cabale dont le dessein serait de perdre Richelieu.
    — Pauvre Cinq-Mars, dis-je. Il a toujours eu davantage
à se glorifier dans la chair que dans les mérangeoises. Mais pour le coup, le
voilà le coquebin le plus décervelé du royaume ! S’attaquer au
cardinal ! Lui, le petit Cinq-Mars ! C’est à pleurer !
    — Ne pleurez pas, m’ami. Revenez au moment présent. Ce
moment qui passe et qu’on ne verra pas deux fois. Eh bien,
qu’attendez-vous ?
    — Que vous donniez l’ordre de charger à la cavalerie
légère.
    — Monsieur, vous me daubez ! Qui vous eût cru si
rancuneux ! Je ne puis plus vous donner d’ordre. À l’instant où vous
entrâtes dans mes draps, sachez que je me suis dessaisie de mon commandement.
    Sur cette dernière saillie, je la pris dans mes bras. Elle
s’y ococoula tendrement, et le reste de la matinée fut perdu pour toute
conversation sérieuse.
     
    *
    * *
     
    — Monsieur, un mot de grâce.
    — Belle lectrice, si vous voulez me poser questions
concernant la princesse de Guéméné, sachez de prime qu’au premier mot que vous
prononcerez, je me fermerai comme une huître.
    — Aussi, Monsieur, n’en dirai-je rien. Je me permets
seulement de vous plaindre pour les affres et les remords que vous allez
ressentir pour avoir trahi votre charmante épouse.
    — M’amie, voilà qui est véritablement perfide !
Vous autres femmes, vous devinez toujours le point faible où il faut frapper
pour faire le plus de mal. Si, au lieu d’appartenir à votre aimable sexe, vous
apparteniez au mien, je vous aurais déjà passé mon épée à travers le cœur.
    — Ah ! n’en faites rien. Vous pourriez me déchirer
un tétin au passage, et fervent amant que vous êtes du gentil sesso, vous
me désolez jusqu’au terme de vos terrestres jours.
    — De grâce, Madame, laissez-moi une fois pour toutes à
mes affres et mes amours. Que diantre ! N’êtes-vous plus intéressée par
l’histoire de votre pays ?
    — Si fait ! Et je suis venue à vous pour que vous
me contiez dans le détail la conspiration de Cinq-Mars. Et d’abord, comment
naquit-elle ?
    — Par le désamour croissant du roi pour Cinq-Mars que
sa puérile forfanterie portait toujours au-dessus de tout et de tous, à tel
point qu’il aspirait, comme on l’a vu, sans études, sans talent, sans esprit,
aux plus hautes fonctions de l’État. On les lui refusa, comme vous savez, de
plus en plus durement, tant est que Cinq-Mars redoublait d’insolence envers
Louis, et Louis le prenait si mal qu’on l’entendit un jour dire sur son
favori : « Je le vomis. »
    « Or, vivait alors à la Cour un certain Monsieur de
Fontrailles qui était bossu, et souhaitait mal de mort à Richelieu, pour ce que
le cardinal l’avait traité un jour de « monstre », méchantise qui
n’était pas rare chez le prélat, quand son travail herculéen l’avait jeté hors
de ses gonds.
    « Je ne sais si, comme on le prétend, tous les bossus
sont méchants, mais en tout cas celui-là l’était. Il prit langue avec Cinq-Mars
et lui affirma savoir de bonne source que tous les injustes refus qu’on avait
opposés à ses légitimes ambitions étaient le fait de Richelieu ; que le
roi, d’ailleurs, n’aimait plus Richelieu et aspirait à se débarrasser de cette
tyrannie. Ce qui donnait quelque couleur à ce mensonge, c’était que le roi,
comme on a vu, avait la faiblesse de se plaindre en public de Richelieu, tandis
qu’en son for il l’admirait et l’aimait plus que toute autre personne au monde.
    « À la suite de cet entretien, Cinq-Mars, Fontrailles
et de Thou, l’ami de Cinq-Mars, formèrent une petite

Weitere Kostenlose Bücher