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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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n’ai jamais prétendu commander une
armée, dit alors Cinq-Mars.
    « — Avez-vous le front de le nier ? Avez-vous
la mémoire si courte ? dit le roi très à la fureur. Ne vous souvenez-vous
pas que vous m’avez demandé de diriger le siège d’Arras !
    « Cette rebuffade, qui eût découragé à jamais une
personne de bon sens, fut sans effet sur Cinq-Mars, lequel, sans talent
militaire, et sans aucun autre, de reste, se croyait au-dessus de tout et,
confiant en la faveur du roi, aspirait à des fonctions de plus en plus
hautes : il voulut de prime qu’on lui donnât le gouvernement de Verdun.
Dès lors qu’on le lui refusa, il demanda d’être admis au Grand Conseil du roi.
Sur un nouveau refus, il exigea un ministère. « Le seul dont vous soyez
digne, lui dit le roi, c’est le ministère de la paresse. »
    «  Savez-vous, me dit Fogacer, que bien que
toutes ces rebuffades vinssent du roi, Cinq-Mars les attribue à Richelieu.
    — Et j’en crois, dis-je, connaître la raison. Le roi
qui admire son ministre et ne se passerait de lui pour rien au monde, se trouve
toutefois piqué par son éclatante supériorité. Aux yeux du roi, s’opposer à ses
vues, ou même implicitement les contredire, est presque un crime de
lèse-majesté, et s’il a assez de clairvoyance pour entendre que Richelieu a
raison sur à peu près tous les points, en même temps il se sent humilié en sa
dignité royale. Assez puérilement, il se délivre alors de ce sentiment en
rabaissant son ministre et en se plaignant de sa tyrannie.
    — Mais c’est là, dit Fogacer, un procédé bien puéril.
    — Puéril ? mon cher Fogacer, dis-je en riant. Mais
qualifier de puéril un procédé du roi, c’est quasiment un crime de
lèse-majesté.
    — Je le reconnais, et sans tant languir je m’en absous,
dit Fogacer avec un geste clérical de ses blanches mains. Et d’autant,
reprit-il, qu’il vaudrait mieux dire « néfaste » plutôt que
« puéril ». Car en se plaignant sans cesse de Richelieu devant son
entourage, Louis encourage les ennemis du cardinal, et Dieu sait s’il en a, à
fomenter contre lui des complots qui pourraient aller jusqu’à l’assassinat.
Rappelez-vous Amiens, et ce qui s’y serait passé si, au dernier moment, la peur
des terribles représailles du roi n’avait pas abattu le courage de Gaston. Et
c’est bien ainsi que les choses se pourraient passer pour Cinq-Mars, la cabale
renaissant sans cesse de ses cendres.
    Pour l’instant, le roi, après avoir chassé de l’Artois les
Espagnols, ne pensait plus qu’à les chasser aussi du Roussillon où ils
occupaient Perpignan, Collioure et autres villes côtières, grandes et petites.
On se souvient que je devais, tandis que le roi rassemblait ses armées,
apprendre l’espagnol, et l’apprendre en peu de temps. Et avec qui, Dieu
bon ?
    En quittant Richelieu, je dirigeai mes pas dans les couloirs
du Louvre, vers l’appartement de la princesse de Guéméné, ayant grand besoin
d’elle pour me conseiller et me rebiscouler en mon prédicament. Or, au tournant
d’un couloir, je me trouvai nez à nez avec le comte de Sault qui, m’ayant
baillé une forte brassée, me prit par le bras et me dit :
    — Ne me dites pas où vous allez, l’air si marmiteux, je
le sais. Vous allez vous faire consoler par la princesse. Chère
princesse ! Que ferions-nous, nous autres grands, forts et vaillants
gentilshommes, sans son angélique suavité ? Ce qui m’amène à vous poser,
si vous me le permettez, mon cher duc, une question indiscrète.
    — Comme a dit un sage, une question n’est jamais
indiscrète, c’est la réponse qui l’est.
    — Voilà qui me conforte, ma responsabilité n’étant plus
engagée. Parlerai-je ?
    — Je vous ois.
    — La question est celle-ci : êtes-vous amoureux de
notre princesse ?
    — Autant que vous, mon cher comte, et pas davantage. Et
de reste, n’avez-vous pas dit notre princesse ?
    — Babillebahou, dit-il. Cher duc, point ne vous crois.
Elle est de vous tout à fait raffolée, et j’enrage ! À peu que je ne vous
appelle sur le pré pour en découdre !
    — Un duel ! Violer les édits du roi ! Et
voulez-vous qu’il nous livre à la hache du bourreau sur l’échafaud
public ? Et ignorez-vous que je possède, transmise par mon père, la botte
de Jarnac, de laquelle je n’userai jamais avec vous, même pour sauver ma vie.
    — Et pourquoi donc ? dit-il d’un air hautain.
    — Comment

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