Le grand voyage
rivière boueuse qui courait vers l’étendue
bleue de la mer de Beran. Sans mot dire, ils remontèrent à cheval et
obliquèrent vers l’est pour avoir une meilleure et dernière vue de la vaste mer
intérieure.
Arrivés à l’extrémité de l’île, ils se trouvèrent si près de la
mer clapoteuse qu’ils distinguèrent les vagues qui se brisaient sur les barres
sablonneuses avec des gerbes d’écume. Ayla, le regard perdu dans le lointain,
crut reconnaître le paysage qu’elle apercevait à l’horizon. Elle se souvenait
de l’endroit où elle avait grandi, la caverne du clan de Brun, à l’extrémité
méridionale de la péninsule. C’était là qu’elle avait donné le jour au fils qu’elle
avait abandonné quand elle avait été damnée.
A-t-il beaucoup grandi ? se demanda-t-elle. Je suis sûre qu’il
est plus grand que les garçons de son âge. Est-ce qu’il est fort ? En
bonne santé ? Est-il heureux ? Se souvient-il seulement de moi ?
Ah, j’aimerais tant savoir ! Comme j’aimerais le revoir ! C’est ma
dernière chance. Après, Jondalar a l’intention de continuer par l’ouest. Plus
jamais elle ne se trouverait aussi près de son clan et de Durc. Pourquoi ne pas
faire un détour par l’est ? S’ils contournaient la côte, ils atteindraient
la péninsule en quelques jours. Jondalar lui avait promis qu’il l’accompagnerait
si elle voulait retrouver Durc.
— Oh, Ayla, regarde ! J’ignorais qu’il y avait des
phoques dans la mer de Beran ! Je n’ai plus revu ces animaux depuis mon
enfance, quand j’avais accompagné Willomar dans une randonnée, raconta
Jondalar, la voix pleine d’excitation et de nostalgie. Il nous avait emmenés,
Thonolan et moi, voir les Grandes Eaux, et le peuple qui vit au bord de la mer
nous avait conduits en bateau plus au nord. As-tu déjà vu des phoques ?
A l’endroit que Jondalar lui indiquait, Ayla vit plusieurs
créatures à la ligne fuselée, au poil noir brillant, au ventre gris clair,
gauchement affalées sur un banc de sable, derrière des rochers à demi
submergés. La plupart des phoques plongèrent bientôt à la poursuite d’un banc
de poissons. Ils les virent remonter brusquement à la surface, alors que les
derniers, les plus petits et les plus jeunes, plongeaient à leur tour dans la
mer. Ils disparurent aussi vite qu’ils étaient venus.
— J’en avais déjà vu de loin, dit Ayla, pendant la saison
froide. Ils aimaient se reposer sur les bancs de glace. Le clan de Brun ne les
chassait pas. On ne pouvait pas les approcher, bien que Brun m’ait dit un jour
qu’il en avait aperçu sur des rochers, près d’une grotte marine. Certains
croyaient que c’étaient des esprits aquatiques. Pourtant, j’ai vu un jour des
bébés phoques, et je doute que les esprits aquatiques aient des bébés. J’ignorais
où ils allaient l’été, sans doute venaient-ils ici.
— Quand nous serons chez moi, je t’emmènerai aux Grandes
Eaux. Tu n’en croiras pas tes yeux, Ayla. Ici, la mer a l’air grande, bien plus
qu’aucun lac, et on m’a dit qu’elle était salée, mais ce n’est rien en
comparaison des Grandes Eaux. On dirait le ciel, personne n’en a jamais vue la
fin.
La voix de Jondalar trahissait son impatience, et Ayla constata
à quel point il avait hâte d’être de retour dans son pays. Elle savait qu’il n’hésiterait
pas à l’accompagner à la recherche du clan de Brun si elle le lui demandait.
Oui, il viendrait par amour pour elle. Mais elle l’aimait aussi, et elle savait
qu’il serait mécontent d’être retardé. Elle contempla la vaste étendue d’eau,
puis ferma les yeux pour retenir ses larmes.
De toute façon, elle ignorait où diriger ses recherches. En
outre, ce n’était plus le clan de Brun, c’était celui de Broud, et on ne l’accueillerait
pas à bras ouverts. Broud l’avait maudite. Pour le Clan, elle était morte
désormais, elle n’était plus qu’un esprit. Si Jondalar et elle avaient
terrorisé le Camp sur l’île à cause des animaux et du pouvoir apparemment
surnaturel qu’ils exerçaient sur eux, qu’en serait-il pour le Clan ? Ils
provoqueraient une jolie frousse, même pour Uba et Durc. A leurs yeux, elle
serait une revenante du monde des esprits, et les animaux n’en seraient qu’une
preuve supplémentaire. Ils croyaient que les esprits revenaient de la terre des
morts pour les tourmenter.
Une fois en route pour l’ouest, ce serait la fin. Durc ne serait
plus
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