Le grand voyage
les précédents
petits cours d’eau que le cheval avait surmonté sa peur, ce qui rassurait
Jondalar quant à la suite du Voyage.
Le courant était faible et l’eau était si transparente qu’ils
distinguaient les poissons au milieu des plantes aquatiques. Ils se glissèrent
à travers les hauts roseaux et gagnèrent l’étroite langue de terre. Loup fut le
premier à mettre pied sur l’île. Il s’ébroua et s’élança sur la rive argileuse
qui menait à un petit bois de saules argentés.
— Je le savais, s’écria Ayla.
— Qu’est-ce que tu savais ? s’étonna Jondalar, que l’air
satisfait d’Ayla amusait.
— Ces arbres ressemblent aux buissons où nous avons dormi
le soir du déluge. Je croyais que c’était des osiers, mais je n’avais jamais vu
d’osier aussi haut qu’un arbre. L’osier n’est qu’un arbuste, et ces arbres-là
sont certainement des saules.
Ils descendirent de leur monture et menèrent les chevaux à
travers la saulaie. Ils marchaient en silence, appréciant l’ombre
rafraîchissante des feuillages qui se balançaient au gré du vent et tachetaient
l’herbe inondée de soleil. Ils aperçurent au loin dans la prairie des aurochs
qui paissaient tranquillement. Ils avançaient vent arrière, et lorsque le
troupeau renifla leur odeur, il s’éloigna rapidement. Ces animaux ont déjà été
chassés par des humains, se dit Jondalar.
Tout en marchant, les chevaux broutaient de pleines brassées d’herbe.
Ayla s’empressa d’ôter le harnais de Whinney.
— Pourquoi t’arrêtes-tu ? demanda Jondalar.
— Les chevaux veulent brouter. Je pensais que nous pouvions
les attendre.
— Nous ferions mieux de continuer, protesta Jondalar, l’air
soucieux. Je suis sûr que cette île est habitée, et j’aimerais d’abord savoir
par qui.
— Oh, c’est vrai ! Tu disais que la fumée venait d’ici !
Cet endroit est tellement beau que j’avais presque oublié, dit Ayla en
souriant.
Le terrain s’élevait, et des aulnes, des peupliers et des saules
blancs se mêlaient maintenant, modifiant la couleur des feuillages argentés de
la saulaie. Bientôt des sapins, et une ancienne race de pins, aussi vieille que
les montagnes elles-mêmes, enrichirent le camaïeu de vert sombre, éclairci par
quelques mélèzes, et qu’illuminaient des touffes d’herbe dorée ondulant dans la
brise. Des lierres grimpaient aux arbres, des lianes tombaient en cascade des
branches, et dans la vallée encaissée, de jeunes chênes pubescents et des
fourrés de noisetiers participaient à ce merveilleux tableau vivant.
L’île s’élevait d’à peine huit mètres au-dessus du niveau de l’eau.
Suivait un long plateau, sorte de steppe miniature, parsemé de fétuques et de
stipes plumeux jaunis par le soleil. Ils parvinrent de l’autre côté de l’île.
Des dunes de sable, où s’accrochaient des roseaux des sables, des panicauts et
des choux marins, descendaient abruptement dans une crique étroite, presque une
lagune, aux rives plantées de hauts roseaux aux épillets violacés, de massettes
et de joncs, ainsi que de quantité de plantes aquatiques. Dans la crique, les
nénuphars étaient si nombreux qu’on distinguait à peine l’eau, et sur les
grandes feuilles rondes, perchaient un nombre incalculable de hérons.
Derrière l’île, on apercevait le vaste lit boueux du bras le
plus au nord de la grande rivière. Près de l’extrémité de l’île, ils virent un
cours d’eau claire se jeter dans le bras principal, et Ayla contempla avec
ravissement les deux courants, l’un transparent, l’autre chargé de limon
marron, s’interpénétrer sans se mélanger d’abord, jusqu’à ce que l’eau boueuse
finît par étouffer la clarté de la petite rivière.
— Tu as vu ça, Jondalar ? s’écria Ayla en désignant
les deux courants parallèles.
— C’est à ça qu’on reconnaît la Grande Rivière Mère,
expliqua Jondalar. Ce bras te conduira droit à la mer. Oh, regarde !
Derrière un bosquet d’arbres, de l’autre côté de la crique, un
filet de fumée montait vers le ciel. Ils avancèrent dans cette direction. Ayla
se réjouissait déjà, mais Jondalar se méfiait. Si la fumée provenait d’un feu,
pourquoi n’avaient-ils aperçu personne ? Les habitants auraient dû les
voir, pourtant. Pourquoi ne venait-on pas les accueillir ? Il raccourcit
la longe de Rapide et lui flatta l’encolure pour le rassurer.
En découvrant les contours d’une
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