Le grand voyage
d’Ayla arracha un sourire à Jondalar et à Dolando.
— Ce sont loin d’être nos meilleures peaux, assura Dolando.
Nous n’oserions jamais les troquer, elles ont trop de défauts. Elles servent à
l’usage quotidien.
Ayla connaissait un peu le tannage et le corroyage. Elle était à
même d’apprécier la souplesse et l’exquise douceur des peaux qu’on lui
présentait, et elle était très curieuse de découvrir les secrets d’une
fabrication si parfaite, mais ce n’était pas le moment. Avec le couteau que
Jondalar lui avait confectionné, une fine lame de silex parfaitement aiguisée
et montée sur un manche en ivoire taillé dans une défense de mammouth, elle
découpa de larges bandes dans les peaux de chamois.
Ensuite, elle ouvrit un de ses sachets et en versa le contenu
dans un petit bol. C’étaient des racines de nard, séchées et pilées, plante
dont les feuilles ressemblent à celle de la digitale, mais avec des fleurs
jaunes comme celles du pissenlit. Elle versa un peu d’eau chaude sur la poudre
pour obtenir un cataplasme qui aiderait l’os à se ressouder. Elle se dit qu’un
peu de datura ne ferait pas de mal, d’autant que ses vertus analgésiques
seraient les bienvenues. Elle ajouta aussi de l’achillée millefeuille
pulvérisée, qui calme bien les douleurs externes et favorise la guérison. Elle
pêcha les pierres qui avaient refroidi et les remplaça par d’autres, brûlantes,
afin de maintenir le liquide à ébullition, et renifla la décoction pour
vérifier sa force.
Lorsqu’elle décida que la décoction était à point, elle en puisa
une bolée qu’elle laissa refroidir avant de l’apporter à Roshario à côté de qui
Dolando s’était assis. Ayla demanda à Jondalar de traduire ses recommandations
pour éviter tout malentendu.
— Roshario, ce breuvage soulagera la douleur et te fera
dormir. Mais c’est un remède très puissant qui peut être dangereux et certains
ne tolèrent pas une dose aussi forte. Il détendra tes muscles, et me permettra
de palper ton bras pour sentir l’os, mais tu risques d’uriner ou de te
souiller, parce que tous les muscles seront au repos. Parfois, certaines
personnes arrêtent de respirer. Si cela t’arrive, tu mourras, Roshario.
Ayla attendit que Jondalar traduise ses propos, et s’assura qu’elle
s’était bien fait comprendre. Dolando paraissait bouleversé.
— Faut-il vraiment que tu utilises ce remède ? s’inquiéta-t-il.
Tu es sûre de ne pas pouvoir réparer la fracture autrement ?
— Non, c’est impossible. Ce serait trop douloureux, et les
muscles sont trop raides. Je ne pourrais pas casser l’os au bon endroit. Non,
je ne peux pas casser l’os et le remettre en place sans cette potion. Mais je
ne veux pas vous cacher les risques. Tu sais, Dolando, Roshario pourra
certainement survivre sans mon intervention.
— Oui, mais je serai une charge, et je souffrirai toute ma
vie, protesta Roshario. Je n’appelle pas ça vivre !
— Oui, ton bras te fera toujours souffrir, mais cela ne
veut pas dire que tu seras inutile. Il existe des remèdes qui apaisent la
douleur, mais en contrepartie, ils risquent de rendre ton esprit confus,
expliqua Ayla.
— Ah ! Je serai donc inutile ou stupide ! s’exclama
Roshario. Dis-moi, si je meurs en buvant ton remède, souffrirai-je ?
— Tu t’endormiras et tu ne te réveilleras pas, mais
personne ne sait ce qu’il advient pendant les rêves. Ils seront peut-être
chargés de peurs ou de souffrances. La douleur peut aussi te suivre dans l’autre
monde.
— Crois-tu que les douleurs nous accompagnent dans l’autre
monde, Ayla ?
— Non, je ne le crois pas, mais comment le
saurais-je ?
— Est-ce que tu penses que ton remède me tuera ?
— Si je pensais que tu devais en mourir, je ne te l’aurais
pas proposé, assura Ayla. Cela dit, il est possible que tu fasses des rêves
étranges. Préparé d’une autre façon, ce breuvage permet de voyager dans le
monde des esprits.
La traduction de Jondalar ne faisait que clarifier le dialogue
des deux femmes. Elles avaient l’impression de se parler directement tant elles
se comprenaient.
— Tu ne devrais pas risquer ta vie, Roshario, supplia Dolando.
Je ne veux pas te perdre, toi aussi.
— La Mère rappellera à Elle l’un de nous en premier,
déclara doctement Roshario. Alors, soit je te perdrai, soit c’est toi qui me
perdras. Nous n’y pouvons rien. Mais si Elle décide de me laisser vivre
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