Le grand voyage
quelque
temps encore auprès de toi, mon Dolando, je ne veux pas passer le reste de ma
vie dans la souffrance comme une invalide. Ah, non alors ! Autant partir
tout de suite. Tu as entendu ce qu’a dit Ayla ? Il y a peu de chance que
je meure. Et même si je ne retrouve pas l’usage de mon bras, j’aurai au moins
la consolation d’avoir essayé. Cela m’aidera à supporter ce qui m’attend.
Dolando, assis à côté d’elle sur le lit, avait saisi sa main
valide et considérait avec tendresse la femme avec qui il avait partagé une
grande partie de sa vie. Il finit par se ranger à sa décision.
— Je te remercie de ta franchise, déclara-t-il alors à
Ayla. A mon tour, je serai franc avec toi. Je ne te tiendrai pas responsable si
tu échoues, mais si Roshario meurt, tu devras partir le plus vite possible. Je
ne suis pas sûr d’être capable de te pardonner, et j’ignore comment je
réagirai. Penses-y bien avant de commencer.
Tout en traduisant, Jondalar songeait à toutes les pertes que
Dolando avait endurées : le fils de Roshario, fils de son foyer, l’enfant
cher à son cœur, tué avant la force de l’âge ; puis Jetamio, celle que
Roshario considérait comme sa propre fille et qui avait conquis le cœur de
Dolando. Après la mort de sa mère, elle avait comblé le vide laissé par le fils
regretté. Le combat qu’elle avait mené pour marcher, et surmonter la paralysie
qui avait fait périr tant de Sharamudoï, lui avait forgé un caractère qui en
avait séduit plus d’un à commencer par Thonolan. Quelle terrible injustice que
la mort l’ait emportée dans les douleurs de l’accouchement. Jondalar
comprendrait que Dolando blâmât Ayla si Roshario mourait, mais cela ne l’empêcherait
pas de le tuer avant qu’il ne la touche. Il se demandait si Ayla ne prenait pas
une responsabilité trop lourde.
— Ayla, tu devrais peut-être revoir ta décision,
suggéra-t-il en Zelandonii.
— Non, Roshario souffre, je dois l’aider si elle le désire.
Si elle accepte les risques, je dois les accepter aussi. La Mère a voulu que je
sois une Femme Qui Soigne, pas plus qu’Iza, je ne puis m’y dérober. Elle posa
son regard sur la femme allongée.
— Je suis prête, Roshario. Quand tu voudras.
16
Son bol à la main, Ayla se pencha sur la femme allongée, trempa
son doigt dans le liquide pour en tester la température, et s’assit en tailleur
avec grâce en attendant que la potion refroidît.
Des souvenirs de sa vie avec le Clan resurgirent, et en
particulier l’initiation prodiguée par la talentueuse guérisseuse qui l’avait
élevée. Iza soignait les maladies courantes et les blessures bénignes avec art
et célérité, mais quand elle était confrontée à un problème plus grave un
accident de chasse sérieux ou une maladie mortelle – elle faisait
appel à Creb et à ses pouvoirs de mog-ur afin qu’il fit intervenir les forces
supérieures. Iza n’était qu’une guérisseuse, mais dans le Clan, seul Creb, le
sorcier, le sage, avait accès au monde des esprits.
Chez les Mamutoï et, d’après Jondalar, chez son peuple
également, les fonctions de guérisseur et de mog-ur n’étaient pas
nécessairement distinctes. Ceux qui possédaient l’art de guérir intercédaient
souvent auprès du monde des esprits. Cependant, tous Ceux Qui Servent la Mère n’étaient
point capables de la même façon dans tous les domaines. Mamut du Camp du Lion,
tout comme Creb, s’intéressait surtout aux choses de l’esprit et de l’âme. Bien
que connaissant certains remèdes ou techniques de soins, ses capacités
thérapeutiques étaient relativement embryonnaires, et il incombait souvent à la
compagne de Talut, Nezzie, de soulager les blessures et les maladies banales.
Toutefois, à la Réunion d’Été, Ayla avait eu l’occasion de rencontrer des
Hommes Qui Soignent chevronnés parmi les mamuti, et avait pu comparer ses
connaissances avec les leurs.
Malgré tout, le savoir d’Ayla était surtout technique.
Guérisseuse comme Iza, elle se considérait comme ignorante des voies du monde
des esprits, et au moment d’opérer, elle regretta amèrement de n’avoir pas un
Creb à ses côtés. L’intervention de pouvoirs supérieurs lui semblait
indispensable à la réussite de sa tâche. Bien que Mamut eût commencé à lui
enseigner les voies du domaine spirituel de la Grande Mère, elle n’était
vraiment familiarisée qu’avec le monde des esprits qui l’avait vue grandir,
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