Le grand voyage
maîtresse en frétillant. Elle lui fit signe de les
suivre, et ils marchèrent quelque temps jusqu’à un buisson d’aubépine.
— Bravo, c’est exactement ce que je cherchais ! s’exclama
Ayla. Je n’étais pourtant pas sûre de mes explications.
— Quels pouvoirs ont ces fruits ? demanda Darvalo en
aidant Ayla à cueillir les baies.
— Ils fortifient et stimulent le cœur. Mais ceux qui ont le
cœur fragile ont besoin d’une drogue plus forte, dit Ayla en cherchant ses mots
pour tenter de faire partager au jeune garçon ce qu’elle avait appris par l’expérience
et l’observation.
L’enseignement d’Iza, dispensé dans une langue inarticulée et
avec des méthodes si particulières, était difficile à traduire.
— Mélangés à d’autres médecines, ils décuplent leur effet.
La collecte avec Ayla commençait à plaire à Darvalo. Elle
connaissait tant de choses que les autres ignoraient. En outre, elle lui
faisait volontiers part de son savoir. Sur le chemin du retour, ils s’arrêtèrent
sur un bas-côté ensoleillé et cueillirent les fleurs bleues et odorantes de l’hysope [14] .
— A quoi ça sert ? demanda Darvalo.
— A dégager la poitrine pour faciliter la respiration. Et
ça, désigna Ayla en cueillant les douces feuilles duveteuses d’une épervière
aux tiges velues qui poussait à côté, c’est bon pour tout. C’est fort, et j’en
ajouterai à peine, parce que le goût n’est pas agréable. J’aurais aimé préparer
pour Roshario une boisson délicieuse, mais au moins ces feuilles lui
éclairciront l’esprit et lui rendront des forces.
En rentrant, Ayla s’arrêta une fois encore pour cueillir un gros
bouquet d’œillets roses. Avide d’approfondir ses connaissances médicinales,
Darvalo interrogea Ayla sur les vertus de la jolie plante.
— Oh, je les cueille simplement parce qu’elles sentent bon,
et qu’elles donnent un goût épicé, agréable et sucré. J’en jetterai quelques
têtes dans l’infusion et j’en ferai tremper dans de l’eau au pied du lit de
Roshario. Cela lui fera plaisir. Les femmes aiment les choses qui sentent bon,
Darvalo, surtout quand elles sont malades.
Darvalo décida qu’il aimait comme Ayla les choses qui sentaient
bon. Il lui était aussi reconnaissant de l’appeler Darvalo, et non Darvo comme
tout le monde. Non qu’il fût vexé que Dolando ou Jondalar utilisassent son nom
d’enfant, mais il appréciait qu’Ayla l’appelât de son nom d’adulte. Sa voix
aussi lui plaisait, même si certains sons lui paraissaient étranges. On était
obligé de tendre l’oreille, et finalement de se rendre compte qu’elle avait une
bien jolie voix.
Il y avait eu une époque où il avait souhaité plus que tout que
Jondalar s’unît à sa mère et demeurât parmi les Sharamudoï. Le compagnon de sa
mère était mort quand il était petit, et aucun homme n’avait vécu auprès d’eux
avant l’arrivée du géant blond. Jondalar l’avait traité comme le fils de son
foyer – il avait même commencé à lui enseigner la taille du silex – et
Darvalo avait souffert de son départ.
Il avait longtemps attendu son retour, sans jamais y croire
vraiment. Lorsque sa mère était partie avec Gulec, le Mamutoï, il avait compris
que Jondalar n’aurait plus de raison de rester s’il revenait un jour. Mais
maintenant qu’il était de retour, et avec une autre compagne, peu importait que
sa mère fût partie ou non. Tout le monde aimait Jondalar, et d’autre part, on
avait besoin d’une Femme Qui Soigne. On en parlait beaucoup, surtout depuis l’accident
de Roshario. Darvalo ne doutait pas des pouvoirs d’Ayla. Alors, se disait-il,
pourquoi ne resteraient-ils pas avec nous ?
— Elle s’est réveillée une fois, s’empressa de dire
Dolando, dès qu’Ayla fut entrée dans la hutte. Du moins, c’est ce que j’ai cru.
Mais elle se débattait peut-être dans son sommeil. Elle s’est calmée et elle
dort tranquillement, maintenant.
Il essayait de le cacher, mais on voyait bien que le retour d’Ayla
le rassurait. Talut avait été d’entrée franc et amical. Il appuyait son pouvoir
sur sa force de caractère, sa qualité d’écoute, sa tolérance, son art du
compromis... et sur une grosse voix, capable d’attirer l’attention d’un groupe
en proie à d’âpres discussions. Dolando, en revanche, lui rappelait Brun. Il
était plus réservé, et bien que sachant lui aussi écouter et peser chaque
situation, il
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