Le grand voyage
esturgeons.
— Comment te sens-tu ? demanda Ayla.
— Oh, je me sens des ailes, répondit Roshario en adressant
des sourires à ses porteurs. D’en haut, la vue est agréable.
— Tu es prête ?
— Attendez. Comment me trouves-tu, Ayla ?
— Très bien. Tholie t’a parfaitement coiffée, tu es
superbe, affirma Ayla.
— Je me sens revivre depuis que vous m’avez fait ma
toilette. Je ne prenais même plus la peine de me peigner, ni de me laver. Cela
prouve bien que je vais mieux.
— C’est en partie dû à la potion calmante, mais l’effet va
se dissiper. N’hésite pas à me prévenir dès que la douleur reviendra. Ne
cherche pas à faire la brave. Si tu te sens fatiguée, dis-le-moi tout de suite,
recommanda Ayla.
— Oui, oui. Allons-y, je suis prête, déclara Roshario,
impatiente.
Des cris de surprise les accueillirent à la sortie de la hutte.
— Regardez qui arrive !
— Roshario !
— Comme elle va mieux !
— Déposez-la ici, dit Tholie. On lui a réservé une place.
Longtemps auparavant, un gros morceau de grès s’était détaché du
surplomb et avait roulé près de l’aire de réunion. Tholie y avait adossé un
banc qu’elle avait recouvert de fourrures. Les deux hommes y déposèrent
Roshario avec précaution.
— Es-tu bien installée ? demanda Markeno.
— Oui, oui, on ne peut mieux, affirma Roshario, peu
habituée à un tel luxe d’attention.
Le loup les avait suivis et, dès que Roshario se fut installée,
il s’allongea près d’elle. La convalescente ne cacha pas sa surprise, mais à la
façon qu’il avait de la regarder, et de surveiller quiconque approchait, elle
eut l’étrange mais ferme conviction que le carnassier voulait la protéger.
— Ayla, pourquoi ce loup tourne-t-il autour de
Roshario ? Tu devrais lui dire de la laisser tranquille, conseilla
Dolando, inquiet de voir l’animal rôder autour de sa compagne, sachant que les
bandes de loups s’attaquaient de préférence aux membres les plus vieux et les
plus faibles d’un troupeau.
— Non, je ne veux pas qu’il s’en aille, s’écria Roshario en
caressant la tête du loup de sa main valide. Il ne me veut pas de mal, Dolando.
Je crois qu’il cherche à me protéger.
— Tu as raison, approuva Ayla. Au Camp du Lion, il y avait
un jeune garçon maladif que Loup avait pris en affection et il le défendait.
Oui, il a compris que tu es blessée et il veut te protéger.
— C’était Rydag, n’est-ce pas ? s’enquit Tholie. Celui
que Nezzie avait adopté, celui qui était un... (Elle s’interrompit brusquement,
se rappelant à temps les violents préjugés de Dolando.)... un étranger.
L’hésitation de Tholie n’échappa pas à Ayla.
— Vit-il toujours avec eux ? poursuivit Tholie, en
essayant de cacher un trouble qu’on n’attendait pas chez cette femme franche et
directe.
— Non, il est mort pendant la Réunion d’Été, répondit Ayla
d’une voix qui trahissait le chagrin qu’elle éprouvait encore.
La bienséance livrait en Tholie un dur combat contre la
curiosité. Elle aurait aimé poser d’autres questions sur l’enfant, mais le
moment était mal choisi.
— Qui a faim ? lança-t-elle à la cantonade. Je propose
qu’on commence à manger.
Après que tous furent rassasiés, même Roshario qui mangea peu
mais avec appétit, ils se rassemblèrent autour du feu, buvant une infusion ou
du vin de pissenlit légèrement fermenté. C’était l’heure des histoires et des
récits d’aventures. Autrement dit, c’était l’occasion d’en apprendre davantage
sur les visiteurs et leurs étranges compagnons de voyage.
Hormis quelques hommes partis à la chasse, tous les membres des
deux groupes sharamudoï étaient présents : les Shamudoï qui vivaient toute
l’année sur le haut plateau, et les Ramudoï qui habitaient sur le fleuve. Pendant
la saison chaude, le Peuple du Fleuve vivait sur un ponton flottant amarré au
pied du précipice mais, l’hiver venu, il déménageait sur le plateau et
partageait les huttes de ses cousins. Chaque couple ramudoï choisissait un
couple shamudoï avec lequel il s’unissait au cours d’une cérémonie. Les deux
couples formaient un même foyer et chacun traitait la progéniture de l’autre
comme la sienne propre.
Jamais au cours de son long périple, Jondalar n’avait rencontré
une telle organisation, fondée sur des liens familiaux particuliers et les
bénéfices mutuels que chacun en tirait. Les
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