Le grand voyage
muraille rocheuse, Ayla avait l’impression de flotter dans l’air. Sur l’autre
rive, la muraille distante de près de deux kilomètres paraissait pourtant plus
proche. En d’autres points de la Porte, les deux murailles étaient vraiment
plus proches. A cet endroit, le fleuve coulait presque en ligne droite, offrant
à Ayla une vue dégagée sur ses eaux puissantes et tumultueuses, à l’est comme à
l’ouest. Lorsqu’elle approcha de l’embarcadère, elle aperçut en levant la tête
un nuage blanc qui s’envolait lentement du bord de la falaise, ainsi que deux
silhouettes dont l’une minuscule – et Loup qui se penchaient pour l’observer.
Elle leur fit un petit signe. Le léger choc de l’atterrissage la surprit.
— Oh, Jondalar, c’était fantastique ! s’exclama Ayla
en voyant son compagnon s’approcher.
— Et spectaculaire, non ? renchérit-il en l’aidant à
sauter du pallier. Une foule attendait Ayla, mais l’endroit l’intéressait plus
que les gens. Elle posa le pied sur le sol en bois, et sentit le ponton bouger,
comprenant soudain qu’il flottait sur le fleuve. L’embarcadère était de taille
respectable, et abritait plusieurs constructions semblables à celles qui se
dressaient sous la saillie de grès. On avait également aménagé des aires de
réunion. Sur un bloc de grès entouré de rocs, un feu brûlait.
Plusieurs embarcations, comme celles qu’elle avait vues en aval – étroites
et effilées à l’avant comme à l’arrière – étaient amarrées au ponton.
Toutes étaient différentes, il y en avait de toutes les tailles, du petit canot
à une place aux longs bateaux à plusieurs rangées de sièges.
Deux immenses bateaux la frappèrent particulièrement. Les proues
surélevées se terminaient par une tête d’oiseau aussi étrange qu’inconnu. La
coque, décorée de dessins géométriques, semblait recouverte de plumes, et on
avait peint des yeux au-dessus de la ligne de flottaison. Le plus gros était
pourvu d’un dais en son milieu. Elle se retourna vers Jondalar pour lui faire
part de son étonnement ébloui, et le vit contempler la tête d’oiseau avec une
expression de douleur et d’angoisse. Elle comprit que le bateau avait quelque
chose à voir avec son frère.
Entraînés par un groupe de Ramudoï impatients de leur prouver
leurs qualités de navigateurs, ils n’eurent pas le temps d’en parler. Ayla vit
deux hommes escalader prestement une sorte d’échelle qui reliait le ponton au
bateau, vers laquelle on la poussa aussitôt. Elle comprit ce qu’on attendait d’elle
et s’engagea sur la frêle passerelle. Les Ramudoï la franchissaient d’un pas
souple et chaloupé, alors que le bateau et le ponton bougeaient parfois en sens
contraire, et Ayla prit avec soulagement la main secourable que lui tendait
Carlono.
Elle s’installa entre Jondalar et Markeno, sur un banc où bien d’autres
encore auraient pu s’asseoir, sous le dais qui s’étendait d’un bord à l’autre
du bateau. D’autres s’assirent sur les bancs qui les entouraient et plusieurs d’entre
eux empoignèrent des pagaies à long manche. Avant qu’elle ait pu s’en rendre
compte, ils avaient largué les amarres et le bateau était déjà au milieu du
fleuve.
Carolio, la sœur de Carlono, debout à l’avant du bateau, entonna
un chant cadencé d’une voix forte qui couvrit l’écoulement mélodieux de la
Grande Rivière Mère. Ayla observa, fascinée, les hommes ramer en cadence à
contre-courant, au rythme du chant. Elle était stupéfaite par la vitesse à
laquelle le bateau remontait le fleuve.
A un coude de la Grande Rivière Mère, les parois de la gorge se
resserrèrent et le vacarme du courant devint assourdissant. L’air se refroidit,
l’humidité les enveloppa, dégageant un parfum de fraîcheur qui monta aux
narines d’Ayla. Les odeurs de la vie aquatique étaient bien différentes de la
senteur pénétrante des plaines arides.
La gorge s’élargit de nouveau, et des arbres commencèrent d’apparaître
sur les berges.
— Il me semble reconnaître l’endroit, déclara Jondalar. C’est
là qu’on construit les bateaux, non ? On s’y arrête ?
— Non, pas cette fois. On continue et on fera demi-tour au
Demi-Poisson.
— Le Demi-Poisson ? s’étonna Ayla. Qu’est-ce que c’est ?
Un homme sur le banc devant elle se retourna en souriant. Ayla
reconnut le compagnon de Carolio.
— Demande-lui donc, suggéra-t-il en
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