Le grand voyage
partie de
la tête de l’animal montrant les crocs couronnait le tout. Les manches et le
bas de sa pelisse étaient ornés de fourrure de loup, des pattes de loup
tombaient de chaque côté de son buste, et une queue touffue pendait dans son
dos.
— Leurs sagaies sont leurs crocs, elles tuent en bande, et
rapportent la viande, poursuivit Attaroa en scandant ses paroles dont Jondalar
était sûr qu’elle les savait par cœur. Leurs jambes sont des pattes, elles
courent tout le jour, et peuvent courir toujours. Epadoa est leur chef, Zelandonii.
Mieux vaut ne pas t’y frotter, elle est très rusée.
— Je n’en doute pas, fit Jondalar, impressionné par le
nombre des « Louves », et qui ne put s’empêcher d’admirer tout ce qu’elles
avaient accompli avec si peu de connaissances au départ. Je déplore le gâchis
de tous ces hommes inactifs alors qu’ils pourraient chasser, eux aussi,
cueillir des plantes, fabriquer des outils. Les femmes n’accompliraient plus
seules les travaux pénibles. Je ne prétends pas qu’elles en sont incapables,
mais pourquoi devraient-elles travailler pour elles et pour les hommes ?
Une fois encore, le rire cruel et démoniaque d’Attaroa fit
frémir Jondalar.
— C’est précisément ce que je me suis demandé, dit-elle. Ce
sont les femmes qui produisent la vie, à quoi bon nous encombrer des
hommes ? Certaines femmes ne peuvent pas encore s’en passer, mais à quoi
sont-ils bons ? Aux Plaisirs ? Ce sont eux qui obtiennent les
Plaisirs, et eux seuls. Ici, on ne se soucie plus de leur procurer les Plaisirs.
Plutôt que de partager un foyer avec un homme, j’ai uni les femmes ensemble.
Elles partagent les tâches, élèvent ensemble leurs enfants, elles se
comprennent. Quand il n’y aura plus d’hommes, la Mère ne mêlera plus que les
esprits des femmes, et il ne naîtra que des filles.
Serait-ce possible ? se demanda Jondalar. S’Amodun lui
avait dit que peu de bébés étaient nés ces dernières années. La théorie d’Ayla
lui revint alors en mémoire. Elle disait que c’étaient les Plaisirs que
partageaient un homme avec une femme qui créaient une nouvelle vie dans le
ventre de la femme. Or Attaroa avait séparé les couples. Serait-ce la raison du
peu de naissances ?
— Et combien d’enfants sont nés depuis ? demanda-t-il
avec une curiosité feinte.
— Pas beaucoup, mais quelques-uns tout de même. Et il y en
aura d’autres.
— C’étaient des filles ?
— Les hommes sont encore trop présents, cela trouble la
Mère. Mais tous les hommes auront bientôt disparu. Nous verrons alors combien d’enfants
naîtront.
— S’il en naît, dît Jondalar. La Grande Terre Mère a conçu
les hommes et les femmes, et à Son image, les femmes sont élues pour donner
naissance au mâle comme à la femelle. C’est la Mère qui décide quel esprit d’homme
sera mêlé à celui de la femme. Et il faut toujours un esprit de chaque.
Crois-tu pouvoir modifier ce qu’Elle a ordonné ?
— Que sais-tu de ce que décidera la Mère ? Tu n’es pas
une femme, Zelandonii ! lança-t-elle avec mépris. Tu n’aimes pas entendre dire
combien tu es inutile, à moins que tu ne sois pas encore prêt à renoncer aux
Plaisirs. C’est bien ça, n’est-ce pas ?
Elle changea subitement de ton, affectant un roucoulement
langoureux.
— Veux-tu les Plaisirs, Zelandonii ? Si tu ne veux pas te
battre avec moi, que donneras-tu en échange de ta liberté ? Ah, je
sais ! Les Plaisirs. Pour un bel homme, fort et robuste tel que toi,
Attaroa accepterait sûrement de te donner les Plaisirs. Et toi, sauras-tu les
lui apporter ?
Jondalar prit soudain conscience qu’il n’entendait qu’une
traduction. Prendre la voix de la Femme Qui Ordonne, à la rigueur S’Armuna le
pouvait, mais pas celle d’Attaroa, la femme. S’Armuna traduisait les mots, elle
ne pouvait pas épouser la personnalité de la femme. Maintenant, Jondalar
distinguait leurs deux voix.
— Il est si grand, si blond, si parfait, ne pourrait-il
être le compagnon de la Mère elle-même ? Regardez-le, il est plus grand qu’Attaroa,
et peu d’hommes peuvent s’en vanter ! Tu as donné les Plaisirs à beaucoup
de femmes, n’est-ce pas ? Un sourire du géant blond aux yeux si bleus, et
les femmes se battent pour monter dans sa couche. Procures-tu les Plaisirs à
toutes, Zelandonii ?
Jondalar refusa de répondre. Oui, il avait été un temps où il
aimait donner les Plaisirs à
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