Le grand voyage
pitoyables supplications ne suffiraient pas à faire fléchir
la cruelle Attaroa. Ils se félicitèrent secrètement du refus de Jondalar de
satisfaire la Femme Qui Ordonne, mais ils craignaient que des démonstrations de
joie n’incitassent Attaroa à se retourner contre eux. Ils assistaient donc en
silence au déroulement de la scène par trop familière avec une compassion mêlée
de peur... et d’un peu de honte.
Toutes les femmes devaient assister au supplice de Jondalar. La
plupart d’entre elles détestaient ce triste spectacle, mais la crainte d’Attaroa
l’emportait sur le dégoût, même chez les chasseresses. Certaines se tenaient le
plus loin possible, d’autres défaillaient, mais en cas d’absence, les hommes
dont elles avaient plaidé la cause risquaient d’être les prochains suppliciés.
Quelques-unes avaient essayé de s’enfuir, peu avaient réussi, les autres
avaient été reprises et ramenées au Camp et, pour les punir, leurs proches – compagnons,
frères, fils avaient été enfermés dans la cage, privés d’eau et de nourriture.
Parfois, bien que ce fût rare, on y enfermait aussi des femmes.
Celles qui avaient un fils tremblaient davantage que les autres,
surtout après ce qu’Attaroa avait infligé à Odevan et Ardoban. Mais les plus
inquiètes étaient les mères des deux bébés et la femme enceinte. Elles
faisaient la joie d’Attaroa qui prenait de leurs nouvelles, et les traitait
avec douceur, mais chacune recelait un secret coupable, qui s’il était
découvert les conduirait à finir pendues à la cible.
La Femme Qui Ordonne sortit du rang de ses chasseresses et
empoigna une sagaie dont Jondalar remarqua la lourdeur et la pointe émoussée.
Il ne put s’empêcher de penser combien il aurait pu l’améliorer. Mais émoussée
ou pas, la pointe n’en demeurait pas moins redoutable. Il observa Attaroa viser
avec soin, et nota qu’elle le visait bas. Son intention n’était pas de tuer,
mais de mutiler. Il réprima une violente envie de recroqueviller les jambes
pour se protéger. Il se serait alors balancé au bout de la corde, et aurait
offert une cible encore plus vulnérable. D’autre part, il ne voulait pas
dévoiler sa terreur.
Attaroa le surveillait, devinant sa peur et s’en délectant.
Certains la suppliaient, mais elle savait que celui-là ne s’y abaisserait pas.
Du moins pas encore. Elle leva son bras armé, prête au lancer. Jondalar ferma
les yeux et pensa à Ayla, se demandant si elle était encore en vie. Qu’elle fût
morte et la vie perdait tout son sens. Cette pensée poignarda son cœur plus
sûrement qu’aucune sagaie.
Il entendit le bruit sourd de la sagaie se fichant dans la
cible, mais au-dessus de lui, et non pas en bas où Attaroa avait visé. Et au
lieu de la vive douleur attendue, il se retrouva à terre, les mains libres. Il
regarda ses poignets, la corde avait été tranchée. Attaroa avait toujours sa
sagaie en main, ce n’était donc pas la sienne qu’il avait entendue frapper la
cible. Il leva la tête et vit une petite sagaie à la pointe acérée fichée dans
la cheville. Les plumes de la hampe vibraient encore. La fine pointe de silex
avait coupé net la corde. Il connaissait cette sagaie !
Il regarda dans la direction d’où elle venait. Il aperçut un
mouvement derrière Attaroa. Son regard s’embua de larmes de soulagement. Il
arrivait à peine à y croire. Était-ce bien elle ? Était-elle vraiment en
vie ? Il cligna plusieurs fois des yeux pour effacer ses larmes et vit
alors un cheval au pelage louvet portant une femme sur son dos.
— Ayla ! s’écria-t-il. Ayla, tu es vivante !
29
Attaroa fit volte-face. A l’autre bout du pré, devant l’entrée
du Camp, elle vit une femme sur le dos d’un cheval qui s’avançait vers elle. La
capuche de sa pelisse rejetée en arrière dévoilait une chevelure blonde de la
même couleur que la robe du cheval. La créature effrayante et sa monture
semblaient faites d’une même chair. La femme-cheval avait-elle lancé la
sagaie ? Attaroa s’interrogeait. Mais comment pouvait-on atteindre une
cible à une telle distance ? Elle s’aperçut alors que la femme avait une
autre sagaie à portée de main.
Attaroa frissonna d’effroi, ses cheveux se dressèrent sur sa
tête, mais la terreur glacée qui l’habitait ne provenait pas d’un objet aussi
matériel qu’une sagaie. L’apparition n’était pas humaine, elle l’aurait juré.
Dans un éclair de
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