Le grand voyage
peu
hésitant.
— Je m’appelle Olamun, dit l’homme.
— Je comprends ta colère, Olamun, répondit Ayla. Mais c’est
la violence qu’elle a subie qui a encouragé la violence d’Attaroa. Le démon qui
l’habitait brûle de poursuivre ses méfaits, et de vous léguer un héritage de
violence. Refusez ! Ne vous abandonnez pas à votre juste courroux, ne
tombez pas dans le piège que son esprit torturé a tissé. Il est grand temps de
rompre le charme. Attaroa était un être humain. Enterrez-la avec la dignité qu’elle
a été incapable de trouver dans ce monde, et laissez aller son esprit en paix.
La réponse d’Ayla surprit Jondalar. C’était le genre de propos,
sages et mesurés, qu’aurait tenus un zelandoni.
Olamun acquiesça d’un signe de tête.
— Qui l’enterrera ? fit-il. Qui la préparera ?
Elle n’avait pas de parent.
— C’est la responsabilité de Celle Qui Sert la Mère,
intervint S’Armuna.
— Celles qui l’ont suivie dans cette vie t’aideront,
suggéra Ayla, sachant que le corps était trop lourd pour la vieille femme.
Tous les regards convergèrent vers Epadoa et ses Louves, qui
semblaient se serrer ensemble pour se donner du courage.
— Et elles pourront aussi l’accompagner dans l’autre
monde ! lança une autre voix d’homme.
Des cris d’approbation accueillirent la proposition, et la foule
s’avança vers les chasseresses. Epadoa fit front, la sagaie menaçante. Une
jeune Louve sortit alors du groupe.
— Je n’ai pas demandé à devenir une Louve, dit-elle. Je
voulais apprendre à chasser pour ne pas mourir de faim.
Epadoa lui jeta un regard mauvais, mais la jeune femme la fixa d’un
air de défi.
— Qu’Epadoa apprenne ce qu’est la faim ! proposa la
même voix mâle. Privons-la de vivres jusqu’à ce qu’elle parte dans l’autre
monde. Là, son esprit connaîtra la faim, lui aussi.
La foule cerna Epadoa, et Ayla par la même occasion. Loup fit
alors entendre un grognement menaçant. Jondalar s’agenouilla vivement et calma
le fauve, mais sa réaction eut pour effet d’affoler davantage les assaillants.
Ils se reculèrent et examinèrent les étrangers d’un œil craintif.
Cette fois, Ayla ne demanda pas qui avait parlé.
— L’esprit d’Attaroa rôde toujours parmi nous,
affirma-t-elle. Il encourage la violence et le désir de revanche.
— Mais enfin, Epadoa doit payer pour le mal qu’elle a
fait !
Ayla vit la mère de Cavoa s’avancer. Derrière elle, sa fille
enceinte l’assurait de son soutien moral.
Jondalar se releva et vint se poster aux côtés d’Ayla. Il ne
pouvait s’empêcher de penser que la femme avait le droit de réclamer un
châtiment pour la mort de son fils. Il dévisagea S’Armuna. C’est à Celle Qui
Sert la Mère de répondre, se dit-il, mais celle-ci attendait l’avis d’Ayla.
— Celle qui a tué ton fils est déjà dans l’autre monde, dit
Ayla. Epadoa paiera pour le mal qu’elle a commis.
— Elle a davantage à se reprocher, intervint Ebulan.
Souvenez-vous de ce qu’elle a infligé à ces garçons.
Il se recula afin qu’Ayla pût voir les deux jeunes gens, appuyés
sur l’épaule d’un vieillard cadavérique.
Ayla sursauta. L’espace d’un instant, elle avait cru voir
Creb ! Il était grand et mince, alors que le vénéré sage du Clan était
petit et trapu, mais son visage anguleux et ses yeux noirs reflétaient la même
compassion et la même dignité. Tout en lui commandait le respect.
La première réaction d’Ayla fut de lui offrir le geste de
respect en vigueur dans le Clan en s’asseyant à ses pieds et en attendant qu’il
lui donnât une tape sur l’épaule, mais elle devina que son geste serait mal
interprété. Elle décida donc de lui présenter ses respects sous la forme
conventionnelle.
— Jondalar, dit-elle, je ne peux m’adresser à cet homme
sans avoir été convenablement présentée.
Jondalar avait éprouvé le même respect envers le vieillard, et
il comprit tout de suite sa réticence. Il prit la main d’Ayla et la conduisit
devant le vieil homme.
— S’Amodun, très respecté sage des S’Armunaï, permets-moi
de te présenter Ayla, du Camp du Lion des Mamutoï, Fille du Foyer du Mammouth,
Élue par l’esprit du Lion des Cavernes, et Protégée par l’Ours des Cavernes.
Ayla s’étonna que Jondalar eût ajouté cette dernière précision.
Personne n’avait encore désigné l’Ours des Cavernes comme son protecteur,
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