Le grand voyage
Louves qui
gardaient l’Enclos – elles se relayaient pour que chacune pût se
régaler du festin – s’approcha d’Epadoa, et vint ensuite murmurer
quelques mots à l’oreille d’Attaroa.
— Il paraît qu’Ardemun tient à venir présenter les
remerciements des hommes pour ce festin, dit Attaroa avec un ricanement
moqueur. Je me doute bien que ce n’est pas moi qu’on veut remercier, mais notre
hôte d’honneur. Fais venir le vieux, dit-elle à Epadoa.
La Louve revint avec Ardemun qui s’avança vers le feu en
boitant. Jondalar était heureux de le revoir, il n’avait rencontré aucun de
ceux de l’Enclos depuis son retour.
— Ainsi, les hommes veulent me remercier pour le
festin ? s’étonna Attaroa.
— Oui, S’Attaroa. Ils m’ont chargé de venir te remercier de
vive voix.
— Dis-moi, vieil homme, comment expliques-tu que j’aie tant
de mal à te croire ?
Ardemun se garda bien de répondre. Il resta debout, les yeux
rivés au sol, comme s’il souhaitait s’y enfoncer et disparaître.
— Vieil impotent ! incapable ! éructa Attaroa
avec mépris. Tu n’as même plus le courage de te rebeller ! Ils sont tous
pareils, stériles et veules ! Pourquoi t’encombres-tu de ce poids
inutile ? demanda-t-elle à Ayla en désignant Jondalar. N’es-tu pas assez
forte pour te libérer ?
Ayla attendit patiemment la traduction de S’Armuna pour se
donner le temps de la réflexion.
— J’ai choisi de vivre avec lui, répondit-elle alors. J’ai
vécu seule assez longtemps.
— A quoi te servira-t-il quand il deviendra vieux et faible
comme Ardemun ? demanda Attaroa en dardant un regard méprisant sur le
vieillard. Quand son outil sera trop mou pour te procurer les Plaisirs, il sera
aussi inutile que tous ces incapables.
Là encore, Ayla attendit l’intervention de S’Armuna, bien qu’elle
eût compris ce qu’avait dit la Femme Qui Ordonne.
— Personne ne reste jeune indéfiniment, et un homme ne vaut
pas que par son outil, rétorqua-t-elle.
— Tu devrais tout de même te débarrasser de celui-là. Il ne
durera pas longtemps, affirma-t-elle en désignant le géant. Il a l’air robuste,
mais en réalité il n’a rien dans le ventre. Il a refusé de prendre Attaroa... à
moins qu’il n’ait eu peur s’esclaffa-t-elle avant de vider une nouvelle coupe.
Allons ! Avoue que tu as eu peur de moi ! cracha-t-elle au visage de
Jondalar. C’est pour ça que tu as refusé.
Jondalar, qui l’avait très bien comprise, devint rouge de
colère.
— Il y a une différence entre la peur et l’absence de
désir, Attaroa, riposta-t-il. Tu ne peux forcer personne à te désirer. Je n’ai
pas partagé le Don de la Mère avec toi parce que je n’en avais pas envie, voilà
tout.
S’Armuna regarda Attaroa d’un air craintif avant de commencer la
traduction, et dut se faire violence pour ne pas déformer les propos de
Jondalar.
— C’est un mensonge ! hurla Attaroa, déchaînée, qui se
leva et vint rôder autour de lui. Tu avais peur de moi, Zelandonii. Je l’ai
bien vu ! Je me suis déjà battue avec des hommes, mais toi, tu avais peur
de te mesurer à moi.
Jondalar se leva à son tour, imité par Ayla. Plusieurs femmes
les entourèrent.
— Ces gens sont nos hôtes, protesta S’Armuna en se levant
elle aussi. Nous les avons invités à partager notre festin. As-tu déjà oublié
comment recevoir des hôtes ?
— Ah oui, bien sûr ! Nos hôtes ! fit Attaroa avec
dédain. Il faut être courtois et hospitalier avec les visiteurs, sinon la femme
pensera du mal de nous. Eh bien, je vais vous montrer combien je me soucie de
ce qu’elle pense. Vous êtes tous deux partis sans ma permission. Savez-vous
comment nous punissons ceux qui veulent s’enfuir ? Nous les tuons !
Et je vais vous tuer, hurla la Femme Qui Ordonne en brandissant sur Ayla une
dague taillée dans un péroné de cheval, une arme au tranchant redoutable.
Jondalar tenta de s’interposer, mais les Louves d’Attaroa l’encerclèrent
et le repoussèrent du bout de leurs sagaies avec tant de force que les pointes
s’enfoncèrent dans son dos, sa poitrine et son ventre, et que son sang coula.
Avant de pouvoir réagir, on lui avait déjà attaché les mains dans le dos, alors
qu’Attaroa avait renversé Ayla, et appuyant son genou sur sa poitrine pour la
maintenir au sol, elle la menaçait de sa dague. L’ivresse qu’elle affichait l’instant
d’avant avait disparu.
Elle a tout
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