Le grand voyage
main ! D’où venait ce couteau ?
— Laisse-moi couper ces cordes, Jondalar, fit Ebulan en
tranchant les liens qui retenaient les poignets du géant.
Jondalar tourna la tête et vit d’autres hommes mêlés à la foule,
et il en arrivait encore.
— Qui vous a libérés ? s’étonna Jondalar.
— Toi, fit Ebulan.
— Que veux-tu dire ? J’avais les mains liées.
— Oui, mais tu nous as fourni les couteaux... et le courage
de les utiliser. Ardemun s’est glissé derrière celle qui montait la garde et l’a
assommée avec son bâton. Nous avons ensuite tranché la corde qui fermait le
portail. Nous regardions le combat, et le loup est arrivé... acheva Ebulan d’une
voix blanche en considérant avec effroi la femme et le loup enlacés.
Trop préoccupé, Jondalar ne remarqua pas l’effarement qui
empêchait l’homme de poursuivre son récit.
— Ayla, tu vas bien ? Es-tu blessée ?
demanda-t-il en serrant la femme et le loup dans ses bras.
L’animal l’accueillit d’un joyeux coup de langue.
— Je n’ai rien, qu’une égratignure au cou, répondit-elle.
Je crois que Loup a reçu un coup de dague, mais ça n’a pas l’air de le gêner.
— Si j’avais su qu’elle voulait te tuer, je ne t’aurais
jamais laissée venir à cette fête. J’ai été stupide de ne pas comprendre !
— Mais non, fit Ayla. Je ne me suis pas méfiée, moi non
plus. Je n’avais pas pensé qu’elle m’attaquerait aussi directement. Si Loup n’avait
pas été là... soupira-t-elle en jetant un regard de gratitude à l’animal.
— J’avoue qu’au cours de ce Voyage, j’ai voulu plus d’une
fois abandonner Loup. Quand j’ai découvert que tu étais partie à sa recherche
après avoir failli te noyer dans la Sœur, j’étais furieux. Penser que tu
risquais ta vie pour cet animal m’exaspérait.
Jondalar prit la tête de Loup dans ses mains et le regarda dans
les yeux.
— Loup, je te promets que je ne t’abandonnerai jamais. Je
suis prêt à risquer ma vie pour toi, magnifique animal.
Il empoigna sa fourrure et gratta le loup derrière l’oreille.
Loup lui lécha le visage et, posant ses pattes sur les épaules du géant, il
saisit sa gorge entre ses mâchoires, et le mordilla gentiment pour lui prouver
son affection. Loup éprouvait envers Jondalar, presque les mêmes sentiments qu’à
l’égard d’Ayla. Voyant que les deux êtres qui comptaient le plus pour lui, lui
témoignaient attention et approbation, il manifesta sa joie en grognant de
plaisir.
Les témoins de la scène poussèrent des cris d’effroi et de
surprise en voyant l’homme offrir son cou vulnérable aux crocs du fauve
redoutable. Ils avaient vu le même loup déchiqueter la gorge d’Attaroa, et l’assurance
de Jondalar relevait pour eux de la pure magie. Comment pouvait-on exercer un
tel pouvoir sur l’esprit des animaux ?
Avec quelque nervosité, tous regardèrent Ayla et Jondalar se
relever, inquiets de la tournure que prenaient les événements. Plusieurs d’entre
eux jetaient des coups d’œil interrogateur à S’Armuna. La chamane s’avança
au-devant des invités tout en surveillant le loup avec prudence.
— Nous sommes enfin débarrassés d’elle, fit-elle.
Ayla, comprenant l’anxiété de la vieille femme, lui adressa un
sourire rassurant.
— Loup ne te fera aucun mal, certifia-t-elle. Il n’a
attaqué que pour me protéger.
S’Armuna remarqua qu’Ayla n’avait pas traduit le nom du fauve en
Zelandonii, et en déduisit que Loup était le nom qu’on lui attribuait.
— Il revenait à un loup de mettre un terme à sa vie,
annonça-t-elle. Je savais bien que tu n’étais pas ici par hasard. Nous sommes
délivrés de ses griffes, et de sa folie. Mais que nous réserve l’avenir ?
La question était de pure rhétorique, et s’adressait autant à
elle-même qu’à son auditoire.
Ayla baissa les yeux sur le corps inerte de la femme, débordant
de vitalité malfaisante l’instant d’avant, et s’interrogea sur la fragilité de
la vie. Sans Loup, elle serait morte à la place de la Femme Qui Ordonne.
— Il faut emporter cette femme et préparer son enterrement,
suggéra-t-elle en mamutoï afin d’être comprise du plus grand nombre.
— Mérite-t-elle une sépulture ? Pourquoi ne pas
abandonner son corps aux mangeurs de charogne ? proposa une voix d’homme.
— Qui a parlé ? interrogea Ayla.
Jondalar reconnut celui qui s’avança d’un pas quelque
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