Le grand voyage
dernières gouttes du breuvage festif en dévisageant Filonia. J’ai de
la chance, se disait-il. Elle est belle et elle a apporté deux enfants dans mon
foyer. Le jour de Sa Fête, la Mère n’interdisait pas qu’on L’honore avec sa
propre compagne.
Jondalar but sa coupe d’un trait et la reposa. Puis il souleva
soudain Ayla et l’emporta dans leur couche. Elle était d’humeur joyeuse,
légèrement étourdie, et avait le sentiment d’avoir échappé à un destin fâcheux.
Mais sa joie n’était rien comparée à celle de Jondalar. Il l’avait surveillée
toute la soirée, et avait lu le désir dans les yeux des hommes qui tournaient
autour d’elle. Fidèle aux recommandations de Losaduna, il avait laissé faire,
et pris le risque qu’elle en choisisse un autre.
De son côté, il avait eu de multiples occasions, mais n’avait
pas voulu en profiter tant qu’elle était encore là. Il avait passé la soirée
avec Madenia, sachant qu’elle était interdite à tout homme. Il avait aimé lui
faire la cour, la voir s’amadouer, appréciant les qualités féminines qu’il
sentait poindre en elle. Il n’en aurait pas voulu à Filonia de partir avec un
autre, les occasions ne lui avaient pas manqué, mais il lui était reconnaissant
d’être restée auprès de lui. Il n’aurait pas supporté d’être seul si Ayla avait
choisi un autre partenaire. Il avait beaucoup parlé avec Filonia, de Thonolan,
du Voyage, des enfants, surtout de Thonolia, et de Daraldi qu’elle aimait
beaucoup, mais il n’avait pu se résoudre à parler d’Ayla.
Lorsqu’elle était venue le chercher, il avait cru rêver. Il la
déposa doucement sur leur couche, et vit son regard plein d’amour. Il sentit
une boule douloureuse monter en lui, et dut lutter pour retenir ses larmes. Il
avait obéi à Losaduna, avait accordé toute liberté à Ayla pour qu’elle se
trouvât un partenaire, l’avait encouragée, mais c’était lui qu’elle avait
choisi. Il n’était pas loin d’y voir un signe de la Mère le prévenant de la
future grossesse d’Ayla. L’enfant serait-il de son esprit ?
Il modifia la position des cloisons de cuir mobiles, et comme
elle se relevait pour se déshabiller, il la repoussa gentiment.
— Non, cette soirée est à moi, fit-il. Je m’occupe de tout.
Docile, elle s’allongea avec un frisson de ravissement. Il passa
derrière la cloison, et rapporta un bâtonnet enflammé avec lequel il alluma une
petite lampe dans une niche. Elle dégageait peu de lumière et on voyait à
peine. Il commença à déshabiller Ayla, mais s’arrêta soudain.
— Crois-tu que cette lampe nous suffira pour trouver le
chemin des sources chaudes ? demanda-t-il.
— On dit que cela épuise les hommes, et amoindrit leur
virilité.
— Ne t’inquiète pas, cela ne m’arrivera pas ce soir,
assura-t-il avec un sourire malicieux.
— Dans ce cas, allons-y, ce sera amusant, acquiesça-t-elle.
Ils enfilèrent leur pelisse, prirent la lampe et sortirent sans
un bruit. Losaduna crut qu’ils allaient se soulager, mais devina vite et
sourit. Les sources chaudes ne l’avaient jamais affaibli longtemps. Elles
renforçaient simplement son contrôle et prolongeaient les Plaisirs. Mais
Losaduna ne fut pas le seul à voir sortir le couple.
Les enfants n’étaient jamais exclus des Fêtes de la Mère. En
observant les adultes, ils apprenaient les gestes et la technique amoureuse qui
leur seraient utiles plus tard. Dans leurs jeux, ils imitaient souvent les
grands, et bien avant d’être capables d’activités sexuelles, les garçons
montaient sur les filles, lesquelles faisaient mine de donner naissance à des
poupées. Dès qu’ils atteignaient la puberté, des rites initiatiques les
faisaient entrer dans le monde adulte où ils partageaient le statut et les
responsabilités de tout adulte, même s’ils ne choisissaient pas de compagne, ou
de compagnon, avant plusieurs années. Les bébés naissaient en leur temps,
lorsque la Mère bénissait la femme, mais bizarrement, peu de très jeunes
devenaient enceintes. Les bébés étaient toujours les bienvenus, et chaque
membre du groupe qui formait une Caverne, parents ou amis, s’en occupait avec
soin et pourvoyait à leurs besoins.
Madenia avait assisté à des Fêtes de la Mère depuis toujours,
mais celle-ci prenait un sens particulier. Elle avait observé plusieurs
couples, et les femmes ne paraissaient pas souffrir, même celles qui avaient
choisi plusieurs
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