Le grand voyage
des
Losadunaï ! s’exclama-t-il en la regardant s’enfuir. J’aurais bien aimé
aider cette jeune fille, mais je suis sûr qu’on lui trouvera quelqu’un.
— Oh oui, fit Ayla. Espérons seulement que son attente ne
soit pas déçue. Je lui ai promis qu’elle trouverait un jour quelqu’un comme
toi, Jondalar, et qu’elle le méritait parce qu’elle avait assez souffert. Mais
il y a peu d’hommes qui te valent.
— Toutes les jeunes filles bâtissent des rêves grandioses,
avant la première fois, remarqua Jondalar.
— Elle a de quoi étayer ses rêves.
— Oui, les filles savent toutes plus ou moins à quoi s’attendre.
Ce n’est pas comme si elles n’avaient jamais vu d’hommes et de femmes ensemble.
— Ce n’était pas ce que je voulais dire. A ton avis, qui
nous a laissé les serviettes sèches, hier ?
— Je ne sais pas. Losaduna, ou peut-être Solandia.
— Ils se sont couchés avant nous. Ils devaient honorer la
Mère, eux aussi. Je leur ai demandé. Ils ignoraient que nous avions été aux
eaux sacrées... et Losaduna a paru enchanté de l’apprendre.
— Si ce n’était pas eux, alors qui ?... Madenia ?
— Oui, j’en suis certaine.
Jondalar parut réfléchir.
— Je m’étais habitué à ce que nous soyons seuls... je ne
voulais pas te l’avouer, mais... je suis un peu... je n’aime pas me montrer
aussi... aussi impétueux devant tout le monde. Hier soir, j’aurais juré qu’il n’y
avait que nous. Si j’avais su qu’on nous observait, je n’aurais pas été
aussi... aussi démonstratif.
— Je sais, fit Ayla avec un petit sourire.
Elle commençait à le connaître, et savait qu’il répugnait à
dévoiler ses sentiments profonds. Elle se félicitait qu’il s’autorisât une si
grande liberté de paroles et de gestes avec elle.
— Il vaut mieux que tu ne te sois pas rendu compte de sa
présence, reprit-elle. Pour moi, comme pour elle.
— Pour elle ? Que veux-tu dire ?
— Je crois que ce qu’elle a vu l’a convaincue de participer
à la cérémonie qui fera d’elle une femme. Elle avait vu tant de fois des hommes
et des femmes partager les Plaisirs qu’elle n’y prêtait plus attention, jusqu’à
ce que ces brutes la prennent de force. Depuis, elle ne gardait en mémoire que
la douleur et l’humiliation d’avoir été utilisée comme un objet, sans l’attention
due à une femme. C’est difficile à expliquer, mais on se sent... réduite à une
chose affreuse.
— Je veux bien le croire. Mais ce n’est pas tout. Après ses
premières périodes lunaires, et avant de passer les Premiers Rites, une femme
est très vulnérable... et très désirable. Elle attire tous les hommes.
Peut-être parce qu’ils n’ont pas le droit de la toucher, je ne sais. Le reste
du temps, une femme est libre de choisir le compagnon qu’elle désire, ou encore
de les refuser tous. Mais à l’époque qu’elle traverse actuellement, elle est en
grand danger.
— Tu veux dire, comme Latie, qui devait se tenir à l’écart
de ses frères ? Je sais, Mamut m’avait expliqué cela.
— Oui, mais c’est plus compliqué. C’est à la femme-fille de
montrer une certaine réserve, et ce n’est pas toujours facile. Elle devient le
centre d’intérêt ; les hommes la désirent, surtout les jeunes, et c’est
parfois difficile de résister. Ils la suivent partout et tentent de la faire
céder par tous les moyens. Lorsque l’attente est longue jusqu’à la Réunion d’Été,
certaines femmes-filles se laissent persuader. Mais celle qui se laisse ouvrir
en dehors du rituel particulier est déconsidérée. Si on le découvre, et la Mère
peut la bénir avant les Premiers Rites pour que nul ne l’ignore, les gens sont
parfois cruels, ils la condamnent et se moquent d’elle.
— Mais pourquoi serait-elle la fautive ? Pourquoi ne
pas condamner ceux qui l’ont abusée ? s’indigna Ayla, révoltée par tant d’injustice.
— On lui reproche son manque de retenue, on prétend qu’elle
n’a pas les qualités pour assumer les responsabilités de la Maternité et du
Commandement. Elle ne siégera jamais au Conseil des Mères – ou des
Sœurs, suivant le nom qu’on lui donne – et elle perdra son statut, ce
qui la rendra moins désirable comme compagne. Elle conservera le statut de sa
mère et de son foyer – on ne peut prendre ce qui est acquis – mais
jamais un homme de haute lignée ne la choisira comme compagne, pas plus
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