Le grand voyage
Autres. Lorsqu’elle s’était précipitée pour le
défendre, une agréable chaleur l’avait envahi. Il avait été surpris de la voir
frapper les Autres. Les femmes ne se battaient jamais, d’habitude, et il n’avait
pas l’intention de le raconter à ceux de son clan. Mais il s’était senti flatté
qu’elle eût volé à son secours.
Il changea de position pour mieux contrôler la violence de la
douleur. Il ne craignait pas la douleur. Mais il y avait d’autres peurs. Que se
passerait-il s’il ne pouvait plus marcher ? Une jambe cassée ne se
remettait pas si vite, si elle se remettait. Mais s’il restait invalide, comment
chasserait-il ?
S’il ne pouvait plus chasser, il perdrait son statut. Il
cesserait d’être chef. Il avait promis au chef du clan de Cheveux Jaunes de
prendre soin d’elle. C’était une favorite dans son clan, mais il était de rang
élevé et elle avait accepté de le suivre. Elle lui avait même avoué, dans l’intimité
de leurs fourrures, qu’elle avait désiré être sa compagne.
Sa première femme ne s’était pas réjouie de l’arrivée d’une
jeune et belle seconde compagne. Mais c’était une femme du Clan. Elle avait
bien pris soin de son foyer, et elle conserverait le titre de Première Femme.
Il lui avait promis de s’occuper d’elle et de ses deux filles, bien qu’il eût
longtemps regretté qu’elle n’eût pas mis au monde un garçon. Les deux filles de
son foyer faisaient sa joie, mais elles seraient bientôt grandes. Elles
partiraient.
S’il ne pouvait plus chasser, il ne pourrait plus subvenir aux
besoins de personne. Le clan devrait prendre soin de lui comme d’un vieillard.
Et la belle Cheveux Jaunes, qui aurait peut-être bientôt un garçon, comment
prendrait-il soin d’elle ? Elle trouverait facilement un homme pour s’occuper
d’elle. Oui, mais il la perdrait.
D’ailleurs, s’il ne pouvait plus marcher, comment rentrerait-il
au clan ? Cheveux Jaunes serait obligée d’aller chercher de l’aide. S’il
ne pouvait rentrer seul, il se déconsidérerait aux yeux de son clan, mais ce
serait encore pire si la jambe ne se remettait pas et il perdait son habileté
de chasseur.
Je devrais peut-être demander à cette femme experte en soins des
Autres, hésitait-il, bien qu’elle se serve d’armes. Elle doit être de statut
élevé, à voir comment Dyondar la traite. Et le statut de l’homme est
certainement important pour qu’il soit uni à une femme. Elle avait fait fuir
ces hommes autant que Dyondar... avec l’aide de ce loup ! Mais pourquoi un
loup les aidait-il ? Il avait surpris la femme qui lui parlait. Elle avait
utilisé des signes simples et directs. Elle lui avait demandé de s’asseoir près
de l’arbre, avec les chevaux. Et le loup avait compris et avait obéi ! Il
attendait toujours sagement.
Guban parut songeur. Il avait du mal à penser à ces animaux sans
ressentir une sourde terreur. La peur incontrôlée des esprits. Comment
expliquer autrement l’obéissance du loup et des chevaux ? Comment
expliquer que des animaux se comportent si peu... en animaux ?
Il voyait bien que Cheveux Jaunes était aussi inquiète que lui.
Comment lui en vouloir ? Puisque Dyondar s’était senti autorisé à lui
présenter sa femme, peut-être devrait-il faire de même ? Il ne voulait pas
qu’ils crussent que le statut qu’elle avait obtenu en le suivant était
inférieur à celui de Dyondar. Guban fit un signe imperceptible à la jeune
femme, qui n’avait pas perdu une miette des événements, mais qui, en femme du
Clan qui se respecte, avait réussi à se faire oublier.
— Cette femme se nomme... fit-il, avant de toucher l’épaule
de sa compagne et d’annoncer : Yorga.
Jondalar cru entendre deux aspirations encadrant un R. Il lui
aurait été impossible de reproduire le son. Ayla devina son trouble, et dut
envisager rapidement un moyen élégant de prendre la situation en main. Elle
répéta le nom de sorte que Jondalar le comprît et s’adressa à la femme.
— Yorga, fit-elle, ajoutant aussitôt en signes : cette
femme te salue. Cette femme se nomme... Ayla, prononça-t-elle en détachant
chaque syllabe pour Jondalar, L’homme nommé Dyondar voudrait saluer la femme de
Guban à son tour.
Cela ne se serait pas passé ainsi dans le Clan, se dit Guban,
mais il ne décela aucune offense de la part des Autres. Il était curieux de
voir la réaction de Yorga.
Elle jeta un regard à Jondalar, et baissa
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