Le grand voyage
penserai à l’autre monde plus tard, dit-elle en se
reprenant, un devoir m’attend dans celui-ci. S’il m’accepte en tant que
guérisseuse du Clan, il n’aura pas à se préoccuper de dette. La dette de sang
qu’il a contractée avec un des Autres lui pèse déjà assez. Mais une dette
envers une femme est encore plus pénible, surtout une femme qui se sert d’une
arme.
— Mais je croyais que tu chassais quand tu vivais avec le
Clan ?
— C’était une exception, et uniquement parce que j’avais
survécu pendant une lune à une Malédiction Suprême pour avoir chassé à la
fronde. Brun m’a autorisée à chasser parce que mon totem, le Lion des Cavernes,
me protégeait. C’est lui qui m’a offert mon talisman et m’a appelée la Femme
Qui Chasse.
Ayla caressa la petite bourse en cuir qu’elle portait en
permanence autour du cou, et repensa à la première bourse en paille qu’Iza lui
avait tressée. Comme l’aurait fait une mère, Iza y avait déposé un petit
morceau d’ocre rouge quand Ayla avait été acceptée par le Clan. C’était une
amulette grossière, sans décoration, contrairement à celle qu’elle portait
maintenant et que les Mamutoï lui avaient donnée à la cérémonie d’adoption,
mais Ayla conservait toujours ses objets magiques et le morceau d’ocre rouge.
Les objets étaient les signes envoyés par son totem, ainsi que la pointe ovale
tachée de rouge d’une défense de mammouth – son talisman de chasse –,
la pierre noire, et le morceau de bioxyde de manganèse renfermant les parcelles
d’esprits du Clan qu’on lui avait données quand elle avait été nommée
guérisseuse du clan de Brun.
— Jondalar, il serait bon que tu lui parles. Il ne sait
plus que penser. C’est un homme de traditions et il vient d’assister à trop de
choses anormales. Il vaut mieux que ce soit un homme, même un des Autres, qui
lui parle, plutôt qu’une femme. Ça le tranquilliserait. Tu te souviens du signe
pour saluer un homme ?
Jondalar esquissa un geste et Ayla approuva. Cela manquait de
finesse, mais le sens était clair.
— Ne salue pas tout de suite la femme, ce serait de mauvais
goût. Il risquerait de se sentir insulté. Les hommes, surtout les étrangers, ne
s’adressent jamais aux femmes sans un bon motif. Attends son autorisation avant
d’adresser la parole à sa compagne. Avec un parent, les formalités sont
moindres, et un ami proche peut satisfaire ses besoins avec elle – partager
les Plaisirs – mais la politesse exige de demander l’autorisation à l’homme.
— Son autorisation, et pas celle de la femme ?
Pourquoi les femmes acceptent-elles qu’on leur accorde moins d’importance qu’aux
hommes ?
— Elles n’envisagent pas les choses comme toi. Au fond d’elles-mêmes,
elles savent bien que les femmes comptent autant que les hommes. Mais elles n’ignorent
pas qu’elles sont très différentes.
— Bien sûr qu’elles sont différentes. Comme partout...
heureusement, d’ailleurs.
— Ce n’est pas ce que je voulais dire. Tu peux faire les
mêmes choses que les femmes, Jondalar, sauf mettre au monde un enfant. Je suis
moins forte que toi, mais je peux faire presque les mêmes choses que toi. Les
hommes du Clan n’ont pas le droit de faire les mêmes travaux que les femmes, et
inversement. La mémoire leur manque. Quand j’ai appris à chasser, les gens
étaient davantage surpris par ma capacité d’apprendre, ou mon désir de chasser,
que par l’interdit que j’avais bravé. Ça les surprenait autant que si un homme
avait donné naissance à un bébé, et les femmes étaient encore plus étonnées que
les hommes. Une femme du Clan n’aurait jamais pensé à chasser.
— Tu disais pourtant que le Peuple du Clan et celui des
Autres se ressemblaient beaucoup.
— C’est vrai. Mais par certains côtés, le Clan est plus
singulier que tu ne le penses. J’ai déjà du mal à l’imaginer, et j’étais des
leurs ! Alors, es-tu prêt à lui parler ?
— Oui, je crois.
Le géant s’avança au-devant de l’homme puissant et râblé qui
attendait, assis par terre, la jambe tordue par la fracture. Ayla suivit à
quelques pas. Jondalar s’assit en face de l’homme, et jeta un coup d’œil à Ayla
qui lui fit un signe d’approbation.
Il n’avait jamais vu un mâle adulte de si près, et il pensa tout
de suite à Rydag. Mais en observant l’homme, Jondalar découvrit à quel point le
jeune garçon était
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